Un voyageur…
C’est le titre du film de Marcel Ophüls qui était présenté à la Quinzaine des réalisateurs aujourd’hui.
C’est aussi, un peu, le festivalier, balloté de film en film et de pays en pays, au gré des séances.
Première étape : la Chine.
Dans A touch of sin, Jia Zhang-Ke continue d’observer les mutations rapides de la société chinoise et leurs conséquences. Cette fois, il utilise plusieurs arcs narratifs, situés dans différentes provinces du pays mais traitant tous de problèmes économiques, sociaux et humains. Une oeuvre surprenante, assez différente dans le ton des précédents films du cinéaste, qui a semble-t-il été bien accueilli par la presse et les festivaliers. (lire notre critique du film).
Deuxième étape : la France, avec le film Le Passé.
Bon, ce n’est pas très dépaysant comme destination, c’est vrai… Mais si la production de ce film est bien française, son réalisateur, lui, est iranien.
Après le triomphe de Une Séparation, Asghar Farhadi a posé sa caméra en France et choisi Tahar Rahim et Bérénice Béjo pour être les protagonistes principaux de ce nouveau long-métrage, un drame intimiste qui montre comment le passé, les secrets et les non-dits peuvent peser sur la vie d’un couple.
Là aussi, le film a séduit le public par sa narration subtile et sa puissance dramatique. Certains auraient préféré un récit plus politique, plus ancré dans le contexte iranien actuel, mais on ne peut pas reprocher au cinéaste d’essayer de se renouveler tout en développant ses thématiques habituelles. Ce nouveau long-métrage de Farhadi constitue une réelle réussite. Une de plus dans une carrière sans taches. (lire notre critique).
On reste en France pour L’inconnu du lac, présenté dans le cadre de “Un Certain Regard”.
OK, là, vous vous dites sûrement que notre fil conducteur du jour, autour de l’idée de “voyage”, tombe à l’eau, puisque non seulement on reste dans l’hexagone, mais en plus, tout le film d’Alain Guiraudie se déroule dans un lieu unique : les environs d’un lac de montagne où les estivants viennent se baigner. Mais il ne faut pas se fier aux apparences. Le cinéaste nous convie à un véritable périple en terre cinématographique inconnue. A la fois voyageur et voyeur, le spectateur peut explorer cet univers totalement atypique, à la fois fascinant et inquiétant, cru et sensuel, tragique et comique, et tenter d’appréhender cet objet filmique hors normes.
On aime ou on déteste, mais le résultat ne peut pas laisser indifférent, et a tout à fait sa place dans cette section, qui propose un point de vue de cinéaste tout à fait singulier. (lire notre critique).
Allez, on décolle pour la Grande Bretagne avec The Selfish giant de Clio Barnard, présenté à la Quinzaine des réalisateurs
Là, on est en terrain beaucoup plus balisé. Celui du cinéma social britannique, dont les plus dignes représentants sont Ken Loach, Mike Leigh, Andrea Arnold. La cinéaste Clio Barnard s’inscrit parfaitement dans cette lignée, en racontant les mésaventures de deux gamins issus d’un quartier populaire, où échec scolaire, chômage et alcoolisme sont les seules perspectives d’avenir. Livrés à eux-mêmes, les deux gamins tentent de gagner un peu d’argent pour aider leurs familles et économiser pour partir de cette ville minière en plein déclin, et découvrent l’impitoyable logique économique du monde capitaliste, où même les individus venus des milieux défavorisés essaient d’exploiter ceux qui sont encore plus faibles qu’eux. (lire notre critique).
Hop, un petit détour par l’Inde avec Ugly, toujours dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs.
Bon, autant préciser que le voyage n’a rien de touristique. Anurag Kashyap nous entraîne dans les bas-fonds de Bombay, tout au long d’un récit d’une noirceur totale, axé autour d’une enquête sur la disparition d’une fillette. Un prétexte pour décrire une société cauchemardesque gangrénée par les comportements individualistes, la corruption, les différences de classes sociale,…
Après l’excellent Gangs of Wasseypur, le cinéaste reste dans le registre du film de genre, mais change de style sans perdre en efficacité. Son Ugly possède une sauvagerie et un humour noir digne de certains films sud-coréens récents – de Memories of murder à Old Boy, en passant par J’ai rencontré le Diable et Mother – et il constitue une mécanique parfaitement huilée, conçue pour laisser le spectateur en état de choc après la scène finale, forcément glaçante.
Certains auront préféré embarquer pour l’Italie et sa “dolce vita”.
Mais le sujet de Miele de Valeria Golino, présenté à Un Certain Regard, n’est pas beaucoup plus joyeux. Il tourne autour d’une femme qui aide clandestinement des malades en phase terminale à mourir dignement, mais qui se retrouve soudain confrontée au cas d’un client en pleine santé, mais ayant perdu le goût de vivre. Nous ne l’avons pas vu, mais les échos sont plutôt positifs, laissant entrevoir un film beau, subtil, évitant le pathos et les jugement de valeurs hâtifs.
Pas vu non plus, Le Démantèlement, de Sébastien Pilote, qui nous emmène de l’autre côté de l’Atlantique, au Québec plus exactement.
Là aussi, les échos sont positifs. Les spectateurs ayant pu assister à la projection du film, à la semaine de la critique, parlent d’une oeuvre intimiste émouvante. On cite un confrère : “un mélodrame dénué de sensiblerie, prenant la forme d’un western crépusculaire”. Bigre! Vu comme cela, ça donne envie!
Pfiuuu! Que de distance parcourue en une journée… Mais le trajet le plus rude reste quand même le chemin du retour entre le palais des festivals et le studio qui nous sert de salle de rédaction/dortoir. Trente minutes de marche qui semblent interminables à la fin de la journée…
Aïe! Ce n’est que le deuxième jour… Il va falloir tenir le choc.
A demain pour la suite de nos aventures cannoises.