Tiens, ça fait longtemps qu’on n’a pas entendu parler de Nicolas Sarkozy…
On avait beaucoup discuté de la présence potentielle de notre hyper-président sur la Croisette aux côtés de son épouse pour la cérémonie d’ouverture, mais cette venue avait finalement été annulée. Trop bling-bling pour Sarko, d’après ses conseillers en comm’, trop exposé pour Carla, enceinte…
Et depuis, plus rien… Les commentaires sur le cinéma en général et les films de la compétition en particulier ont vite été au centre des débats, comme d’habitude. Et seule l’affaire DSK a réussi à s’immiscer dans les conversations…
Mais voilà, Nicolas Sarkozy a besoin d’occuper l’espace médiatique… Il faut qu’on parle de lui à tout prix, en bien ou en mal. Qu’on le voit, qu’on l’admire, qu’on le déteste ou qu’on l’adule… Il a trouvé la parade : comme il ne pouvait être à Cannes en chair et en os, il pouvait très bien y être présent dans un film, en tant que personnage “de fiction”, joué par un acteur, Denis Podalydès en l’occurrence…
Ce film, bien sûr, c’est La Conquête de Patrick Rotman et Xavier Durringer. L’oeuvre qui était censée constituer l’événement de ce 64ème festival. Certains espéraient – ou redoutaient – un film à la gloire du Président de la République, d’autres redoutaient – ou espéraient – un pamphlet ridiculisant celui qui pensait à la présidence “le matin, en se rasant”. En tout cas, on annonçait du jamais vu… De quoi espérer une salle comble, pleine de spectateurs qui allaient ensuite pouvoir débattre du film sur notre “grand” président et le placer au coeur des conversations jusqu’à la fin du festival…
Oui, l’occupant de l’Elysée devait se frotter les mains de cette inespérée exposition médiatique, même si le film devait s’avérer un peu corrosif à son égard…
Le hic, c’est que cette tentative de putsch médiatique a fait plouf…
Les organisateurs pensaient que le film allait attirer massivement les journalistes du monde entier et avaient mis à disposition très peu d’invitations pour les autres catégories de badges. A l’arrivée, la presse étrangère s’est complètement désintéressée de ce film “franco-français” et la première séance de la journée était loin d’afficher complet.
Ce qui ne m’a pas empêcher de manquer le film, faute de précieux carton d’invitation. J’ai échoué dans ma conquête de La Conquête, mais ce n’est pas bien grave, vu que le film sort en salle simultanément un peu partout en France… Je le rattraperai à mon retour.
Quant au buzz autour du film, il est quasi nul. Personne n’en parle, sauf pour dire que les acteurs sont très bons. Le film a laissé tout le monde de marbre. Personne pour hurler au scandale ou pour crier au génie. Personne pour susciter une petite polémique. Rien de rien…
En fait, la polémique, c’est Lars Von Trier qui l’a provoquée, une fois n’est pas coutume… En conférence de presse, le cinéaste danois a été questionné sur ses origines allemandes et l’esthétique de son film, inspirée du romantisme allemand et, lancé dans un de ses grands shows délirants, il a rétorqué, devant une assistance médusée qu’il était nazi et comprenait Hitler, qu’il sympathisait même un peu avec lui. Conscient d’avoir dérapé, il s’est ensuite enfoncé encore un peu plus en balançant maladroitement un ou deux traits d’humour provocateur sur l’état d’Israël, qui le “fait chier” et sur ses confrères juifs, dont la cinéaste Susanne Bier.
Sommé de s’excuser par les organisateurs du festival, dont un Thierry Frémaux furieux, Lars Von Trier a publié un communiqué indiquant qu’il n’est ni nazi, ni antisémite et qu’il n’a fait que répondre maladroitement par la provocation à une question stupide… Mais le mal est fait. Von Trier s’est probablement grillé définitivement auprès des sélectionneurs, qui n’ont que très peu goûté cette sortie des plus douteuses. Et son beau film, Melancholia, qui aurait pu prétendre à la palme d’or, voit ses chances compromises par cet embarrassant incident diplomatique.
Oui, Melancholia est un film intense, esthétiquement superbe et thématiquement complexe, qui s’inscrit dans la lignée du très nihiliste Antichrist, mais avec une forme bien plus épurée et dénué de provocations gores ou sexuelles…
L’introduction, montrant des scènes surprenantes filmées au ralenti, est un petit bijou esthétique qui donne le ton du film : beau et tragique comme un requiem, baigné dans une ambiance apocalyptique. Puis le film se compose de deux chapitres distincts, s’intéressant chacun à une femme différente, Justine, la cadette, qui est constamment triste et insatisfaite, et Claire, l’aînée, qui semble heureuse avec son mari et son fils…
La première partie creuse un peu plus la thématique du couple et de son échec annoncé, à travers une fête de mariage qui tourne au cauchemar… La seconde montre les protagonistes se préparant à accepter la mort, inéluctable, car la fin du monde est imminente…
C’est indéniablement un très bon film. Il offre un vrai point de vue de cinéaste, une mise en scène radicale, souvent inspirée, des images de toutes beauté, une direction d’acteurs sans faille – avec mention spéciale pour Kirsten Dunst, qui s’installe avec bonheur dans l’univers de Lars Von Trier – et une richesse thématique qui nécessite plusieurs visions pour être clairement disséquée.
Dommage, simplement, que la seconde moitié du film ne possède pas l’ampleur de la première (hormis, le final, bouleversant). Beaucoup de spectateurs ont décroché à ce moment-là, lassés par la lenteur du film et l’absence d’événements spectaculaires.
Personnellement, j’ai également trouvé que le film perdait peu à peu de son intensité, mais la mise en scène obéit néanmoins à une certaine logique, et Von Trier a le mérite d’aller au bout de ses idées. Melancholia mériterait un prix. Reste à voir si le jury suivra et si la conférence de presse polémique ne lui nuira pas…
L’autre film en compétition du jour était le film de Naomi Kawase, Hanezu no tsuki.
Là aussi, on peut dire qu’il s’agit d’un beau film, esthétiquement parlant. La cinéaste sait filmer la nature et aime à jouer sur les couleurs, les lumières, etc…
Mais son cinéma m’est toujours aussi hermétique, hélas. J’ai essayé de m’accrocher pourtant. J’étais prêt à accueillir ce film sans à priori, même si les oeuvres précédentes de la cinéaste m’ont laissé assez indifférent. Et à l’arrivée, c’est le même constat : je me suis profondément ennuyé et je n’ai pas été sensible au message sur la place de l’homme dans l’immensité de la nature, thème récurrent de sa filmographie. Non, décidément, Naomi Kawase n’est pas ma tasse de thé (vert)…
J’ai circonscrit mes aventures cinématographiques du jour à la section Un Certain Regard.
Déjà avec le film du norvégien Joachim Trier (aucun lien avec Lars Von Trier, pour ceux qui poseraient la question…), Oslo, 31 août.
Il s’agit de l’errance d’un jeune homme qui essaie de se sortir de l’enfer de la toxicomanie. Après avoir suivi une cure de désintoxication, le protagoniste tente de se construire un nouvel avenir. Mais il se heurte très vite à la méfiance de ses interlocuteurs, à leur regard entre compassion et condamnation, et, alors que les souvenirs affleurent à la surface, il se confronte aussi à ses erreurs passées et le sentiment d’échec qui caractérise sa vie.
Le film est sobre, mais efficace, et repose avant tout sur la magnifique interprétation de Anders Danielsen Lie,
Dans un autre registre, on attendait beaucoup le nouveau film de Na Hong-Jin, après son excellent The Chaser.
Comme celui-ci, The Murderer est aussi un thriller sanglant et terriblement noir. Mais alors que The Chaser nous plongeait instantanément dans l’action pour ne plus nous lâcher de bout en bout, ce nouveau film prend son temps de mettre en place l’intrigue et les personnages. On y perd en dynamique de narration – même si les scènes de poursuites sont spectaculaires et menées tambour battant – et on y gagne en qualité du contexte, le film traitant du sort des coréens vivant (survivant serait plus exact) dans une région autonome à la frontière entre la Chine, la Russie et la Corée du Nord. C’est par manque d’argent, pour payer les dettes liées au passage de son épouse en Corée du Sud, qu’un homme accepte un contrat de la part d’un mafioso local. Il doit aller tuer un homme à Séoul, puis revenir au bercail, et ses dettes seront alors effacées; Mais rien ne va se passer comme prévu, et une longue course-poursuite va avoir lieu. Au programme : tôle froissée, crânes défoncés à coups de hache ou de poignards…
On sort de là lessivés, éprouvés, un peu nauséeux du fait du choix d’une caméra très mobile qui rend l’action parfois trop confuse. Mais le film reste une réussite qui confirme le talent de son auteur…
Autre auteur qui confirme, apparemment, tout le bien qu’on pense de lui : Catalin Mitulescu. Toujours présenté à Un Certain Regard, son Loverboy a séduit les spectateurs.
Mais je me garderai bien de tout commentaire, vu que je ne l’ai pas vu.
Pas vus non plus les films à la Quinzaine des Réalisateurs. Il paraît que Chatrak est “très bien”, que koi no tsumi est “bizarre” (venant de Sono Sion, rien d’étonnant…) et que Blue bird est “spécial” (venant de Gust Van Den Berghe, rien d’étonnant non plus. Le bonhomme est coupable de Petit bébé Jésus des Flandres, présenté l’an passé…).
Quant à l’unique film présenté à la Semaine de la Critique, Sauna on the moon, il a laissé assez perplexe mon confrère Olivier Bachelard, du site abus de ciné, qui ne me l’a pas chaudement recommandé…
Hé oui, on parle de cinéma, encore et encore. De films, de réalisateurs, de thèmes à l’honneur cette année, etc… Mais pas de Sarko, ni de sa Conquête des salles obscures…
Ouh, il va être furax, le nain élyséen…
A demain pour de nouvelles chroniques cannoises.
Salut Boustoune!
au vu de tes posts, ça n’a pas l’air très enthousiasmant cette année à Cannes.
Bon courage pour les dernières files d’attente !
A+
Ah??? Pourtant, je n’ai pas vu de gros navets, et le niveau est même plutôt bon. Il y a quand même deux ou trois films qui m’ont enthousiasmé, comme « The Artist », « Melancholia », « Et maintenant on va où? », ou « We need to talk about Kevin ».
Artistiquement, si tout n’est pas parfait, le niveau est élevé, chaque cinéaste présentant une copie tout à fait honorable, à une ou deux exceptions faites…
Après, les sujets abordés n’ont rien de léger ou drôle, c’est vrai…
Non, globalement, c’est un bon festival, avec des films inattendus ou des films hors normes.
Au fait, tu as vu, j’ai assisté (en partie) au docu sur Bollywood. Et je n’ai pas du tout aimé celui-là… 40 mn de bruit et d’images montées en vrac, ça m’a suffi…