Que de bruit ! Avec la clim’ qui tourne à plein régime au Palais, un grand nombre de festivaliers a pris un sacré coup de froid et les catarrheux se manifestent bruyamment à chaque projection… Ajouté au bruit des crétins qui s’ingénient à applaudir chaque nom du générique de début, juste pour exprimer leur bêtise, trop c’est trop…
C’est peut être pour imposer le silence que les programmateurs ont choisi de nous proposer un film se déroulant quasi exclusivement dans… un monastère.
Blague à part, Des hommes et des Dieux, le nouveau film de Xavier Beauvois, s’intéresse à l’assassinat, en 1996, d’un groupe de moine trappistes de Tibhirine, en Algérie, kidnappés par un obscur groupuscule religieux. Le cinéaste dépeint la lente montée des tensions religieuse dans l’Algérie troublée des années 1990, en proie au fanatisme religieux. Même si l’oeuvre n’est pas exempte de certaines longueurs – sans doute nécessaires pour traduire l’attente d’un drame inéluctable – il s’agit d’un beau film humaniste sur la foi et l’engagement, le respect des différences religieuses et sociales, sur la folie du pouvoir.
Autre réussite, celle d’Abbas Kiarostami et de Copie conforme, également présenté en compétition officielle. Le cinéaste iranien semble (presque) avoir abandonné ses expérimentations cinématographiques radicales en revenant à une narration plus “classique”. Difficile, pour autant, de résumer le film, belle balade toscane qui se transforme en variation sur le vrai et le faux, les apparences, les goûts et les jugements artistiques, les relations amoureuses…
Après un début laborieux – le gamin joue faux, mais bon, pour un film qui traite justement du faux… – on se laisse séduire par l’élégance des plans et des mouvements de caméra, et du côté ludique d’un scénario dont on ne peut plus démêler le vrai du faux, et qui offre donc toute une palettes d’interprétations.
A la Quinzaine, Illégal traite du sujet toujours sensible des sans-papiers, à travers l’histoire de Zina, une russe dont le permis de séjour a été refusé et qui vit dans la clandestinité avec son jeune fils, Ivan. Un jour, suite à un contrôle de police, Zina est arrêtée. On l’envoie dans un centre de détention, en attendant que soient réglées les formalités administratives de son expulsion. Le film s’inspire d’un fait divers réel, la révolte des passagers et du personnel de bord contre l’expulsion d’une jeune femme et l’attitude brutale de la police. Un film fort, à la mise en scène sobre et efficace, porté par des actrices remarquables.
Autre film devant beaucoup à ses comédiennes principales, Des filles en noir. Elise Lhomeau et Léa Tissier sont absolument brillantes devant la caméra de Jean-Paul Civeyrac, de vraies révélations. Grâce à leurs prestations intenses, mystérieuses et bouleversantes, le thème délicat du malaise adolescent et du suicide sont traités avec beaucoup de pudeur et de finesse. Une réussite, malgré une fin traînant un peu en longueur…
Bon, évidemment, malgré leurs qualités artistiques, ce ne sont pas tous ces films-là qui allaient donner la pêche aux festivaliers en mal de parties de rigolade…
Pour cela, on a pu compter sur Stephen Frears et Tamara Drewe présenté en salle Lumière, hors compétition. Une comédie pas inoubliable, d’accord, mais dotée d’un humour anglais assez sauvage et de comédiens épatants. Il s’agit d’une sorte de vaudeville moderne où la quiétude d’une retraite pour écrivains, en rase campagne, est troublée par l’arrivée d’une créature de rêve (Gemma Aterton, pas mal quand même…), d’un groupe de punk-rock sur le point de se dissoudre, de deux fans un peu trop hystériques et d’un écrivain américain ayant la phobie des vaches… Certains passages sont à se tordre de rire (ou à se péter le nez, au choix…).
Dans le registre de la comédie déjantée, la Semaine de la critique n’était pas en reste avec The sound of noise, film de Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson. En fait le prequel d’un court-métrage remarqué ici il y a quelques années, Music for an appartment and six drummers. On avait un peu peur qu’un long-métrage axé uniquement autour des “exploits” de ces ‘”terroristes musicaux” qui jouent avec tous les objets qu’ils trouvent sur place, ne soit un peu trop répétitif, une simple suite de numéros. En fait, c’est tout le contraire qui se produit. On est un peu frustré de ne pas en avoir plus, parce que les quatre performances musicales sont absolument grandioses et parce qu’après un démarrage tonitruant, dont la scène du bloc opératoire, hilarante, le rythme redescend un peu pour se concentrer sur une partie comédie romantique un peu moins intéressante. Mais ce film attachant est malgré tout très original et réussi.
La section Un Certain Regard a pu bénéficier de la présence de Ryan Gosling et Michelle Williams, héros de Blue Valentine, une comédie dramatique qui a été bien accueillie par les festivaliers. Mais Los Labios, film de Ivan Fund et Santiago Loza, a vu son audience fondre au fil des minutes, si bien que la moitié du public avait déserté la salle à mi-parcours. Pas d’écho, en revanche, de La vie avant tout, d’Oliver Schmitz, toujours dans la même section…
Pas d’échos non plus de Two gates of sleep troisième film présenté à la Quinzaine aujourd’hui, ou de Women are heroes, documentaire présenté conjointement par le Festival de Cannes et la semaine de la critique…
En revanche, j’ai entendu beaucoup de bien de 5x favela por nos mesmos, hors compétition. Un film apparemment très dur, dans la lignée de La cité de Dieu mais très fort.
Concernant la dernière séance spéciale du jour, Autobiographie de Nicolae Ceaucescu, les opinions sont plus mitigées, beaucoup faisant état de quelques longueurs (3h sur Ceaucescu, tu m’étonnes qu’il y ait des longueurs…)
Mais assez parlé… Il est temps pour moi de rendre l’antenne à Paris, où apparemment, Monsieur PaKa semble attendre impatiemment mon retour… Allez : Silenzio !