Après une virée pleine de bruit et de fureur dans la campagne anglaise du douzième siècle, retour à un cinéma plus contemporain avec les premiers films en compétition officielle.
C’est le chinois Wang Xiaoshuai qui a ouvert le bal avec Chongqing Blues, un beau film sur la relation père-fils, qui repose sur un scénario bien écrit.
Lin est marin, capitaine d’un bateau, et il passe l’essentiel de son temps en mer, au grand dam de sa femme et de son jeune garçon de dix ans. Revenu sur la terre ferme, il est pris d’un coup de blues et retourne passer quelques jours à Chongquin, sa ville natale. Là, il apprend que le fils qu’il a eu d’un premier mariage est décédé, abattu par la police après un braquage raté, assorti d’une prise d’otage. Lin est abasourdi : comment son fils a-t-il pu en arriver là ? Etait-il néfaste au point qu’on soit obligé de l’abattre ? On suit le parcours de cet homme en quête de vérité, qui s’en va interroger les différents protagonistes de ce drame : le meilleur ami de son fils, sa petite-amie, l’otage, le flic qui a tué son fils. Et il tente de renouer contact avec son ex-femme, qui refuse obstinément de lui adresser la parole.
Le film explore les relations père-fils dans les deux sens, à travers différentes histoires parallèles, aborde le thème de la responsabilité et du devoir, des conflits d’intérêt entre carrière professionnelle et vie familiale.
C’est aussi un bel objet cinématographique, qui joue sur l’architecture particulière de la ville de Chongqin, dans le bassin du Sichuan, une cité dont le coeur, en haut d’une colline escarpée, est accessible uniquement par une sorte de téléphérique. Mais c’est aussi un film au rythme lent, lancinant, et il faut être plutôt en forme pour pouvoir en saisir les nuances. (Après ma nuit courte, j’ai dû m’accrocher un peu…)
Autre film en lice pour la palme d’or : Tournée, de Mathieu Amalric. Une comédie dramatique décalée qui suit, comme son nom l’indique presque, la tournée française d’une troupe de stripteaseuses américaines, les “New Burlesque”.
Le film montre les coulisses du spectacle, la solidarité de ces filles fières de leur corps – des artistes, bien plus que de vulgaires effeuilleuses – les différents numéros, pleins d’inventivité, et les relations tumultueuses avec leur manager français, Joachim Zand, un ex golden-boy de la télévision française victime de son tempérament rebelle et contraint, depuis, de vivre loin de Paris.
Le film est à l’image de cette curieuse tournée : il reste constamment en périphérie, emprunte des chemins de traverses et de petites routes, loin des autoroutes et des grandes villes. On prend un certain plaisir à suivre ce groupe de plantureuses créatures et les mésaventures de ce looser magnifique, grâce au talent des comédiennes, toutes inconnues – et véritable troupe d’artistes – et à celui de Mathieu Amalric, qui incarne lui même l’heureux manager.
Seul bémol, le rythme s’effiloche peu à peu, et le film se traîne en longueur. On reste sur la désagréable impression que Mathieu Amalric n’a pas su comment boucler son histoire, et on se prend presque à regretter qu’il ait opté pour la voie de la fiction plutôt que du documentaire, tant le film tient pour beaucoup à l’ambiance régnant dans cette jolie troupe. Cela dit, on serait aussi passé à côté de la belle scène avec Aurélia Petit ce qui aurait été dommage… Et le film reste intéressant, malgré son côté bancal.
Ce deuxième jour du festival voyait aussi l’ouverture des trois sections parallèles : Un certain regard, La Quinzaine des réalisateurs et La Semaine de la critique.
Et comme chaque année, ce fut compliqué, voire impossible d’accéder aux séances.
La Quinzaine a ouvert sa programmation avec Benda Bilili!, un documentaire sur un groupe de musiciens congolais à succès : Staff Benda Bilili. Lors de la cérémonie d’ouverture, le trophée du Carrosse d’or a été remis à la cinéaste Agnès Varda, dont était programmé le film Lion’s Love (and lies…). Les malheureux festivaliers qui ont tenté d’assister à la séance s’y sont cassé les dents. Beaucoup de presse et d’invités divers et variés pour assister à ce film datant déjà d’une quarantaine d’années ! Bigre ! Et tant mieux pour Varda, qui reste une de nos meilleures cinéastes, sans avoir la même notoriété que certains de ses homologues masculins ayant débuté à la même époque.
Même cohue à La Semaine de la critique, où le nombre d’invités excédait largement le nombre de places dans la salle du Miramar. Autant dire que c’était mission impossible que de tenter d’accéder au film d’ouverture Le nom des gens. Ceux qui l’ont vu en ont chanté les louanges, vantant une “comédie hilarante”, “joliment provocatrice”…
Autre film, autre parcours du combattant : la projection de The Sandcastle, premier film du singapourien Boo Junfeng.
Un sérieux prétendant pour la caméra d’or, tant cette oeuvre est joliment réalisée, entremêlant des thématiques très riches autour du conflit générationnel, de la vie en général, de la mémoire, individuelle ou collective. L’histoire de l’indépendance de Singapour se retrouve en effet reliée, ici, à celle, plus intime, d’une famille au bord de la rupture. Mais pas besoin de connaître les enjeux géopolitiques et l’histoire pour apprécier cette histoire lumineuse et bouleversante, totalement universelle.
Egalement au programme, le court-métrage d’animation Love Patate nous apprend l’existence d’une variété de patate particulièrement sournoise et criminelle, à éviter soigneusement. La patate, hein, pas le film, qui lui est magnifique techniquement, et repose sur un scénario assez original…
Enfin, Un Certain Regard a ouvert sa programmation avec L’étrange affaire Angélica, de l’infatigable, l’inusable, l’inoxydable Manoel de Oliveira qui, à 103 ans bien sonnés, continue de réaliser ses films et de venir les défendre sur place ! Si je dois un jour atteindre cet âge canonique, j’aimerais avoir la même pêche que lui !
Je n’ai pas vu le film, mais certains spectateurs enthousiastes vantaient son côté poétique et onirique.
Autre film proposé au public, Mardi, après Noël, la nouvelle réalisation de Radu Muntean, après un Boogie, qui nous avait moyennement emballés.
Ici, même style minimaliste, même méthode : Des personnages enfermés dans une pièce. Beaucoup de dialogues. Quelques silences. Et de bons comédiens pour transcender tout cela et rendre dynamique un récit filmé quasi-exclusivement en longs plans-fixes.
Le film raconte l’histoire de la rupture d’un ménage, quelques jours avant Noël. Un homme est marié et a une petite fille qu’il adore. Mais il a aussi une maîtresse, plus jeune, avec qui il se sent épanoui. Sentant qu’elle se lasse de cette relation clandestine, il décide d’abandonner sa femme et sa fille pour vivre sa passion.
C’est tout… Le film est composé de séquences plus ou moins longue montrant des moments de vie ordinaires, des scènes de lit, des moments de tendresse ou d’affrontement.
A vrai dire, on s’ennuierait profondément si le film n’était pas joué par d’excellents acteurs : Dragos Bucur, Maria Popistasu et Mirela Oprisor. Grâce à eux, cette trame des plus conventionnelle gagne en intensité, et rappelle un peu Scènes de la vie conjugale. Mais Muntean n’est pas Bergman, loin de là…
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