En 1999, Daniel Myrick et Eduardo Sanchez révolutionnent le cinéma fantastique en inventant un nouveau sous-genre, le “Found-footage”.
Leur long-métrage, Le Projet Blair Witch est conçu comme un document vidéo brut tourné par trois étudiants en cinéma juste avant leur mystérieuse disparition, dans la forêt de Blair, et retrouvé par la police un an après les faits. L’idée est assez maligne. Elle permet aux cinéastes de bricoler un film avec juste une caméra numérique et trois acteurs. Pas besoin de soigner l’image, pas besoin de se fouler au montage puisque le document est trouvé “en l’état”. Pas besoin de décors sophistiqués – juste une forêt et une vieille maison délabrée – ou d’accessoires coûteux –  une lampe torche, une toile de tente, trois sacs à dos, des tas de cailloux et des assemblages de bouts de bois et de ficelle. Pas besoin d’effets spéciaux non plus, les cinéastes jouant la carte d’une horreur suggestive, hors champ, et sur le ressenti des personnages, perdus et terrifiés par les phénomènes étranges qui semblent se dérouler autour d’eux.
Il s’agit d’un film fantastique minimaliste mais terriblement efficace, réalisé avec 25 000 $ en poche et rapportant plus de 250 000 000 $ au box-office. Un modèle d’efficacité et de rentabilité qui a ouvert la voie à d’autres oeuvres conçues sur le même principe, de Cloverfield à REC plus quelques nanars qui ont eu le mérite de montrer les limites du dispositif.

Blair Witch - 4

En 2016, Adam Wingard essaie de relancer cette franchise, arrêtée après un deuxième épisode plus conventionnel et sans intérêt, et invente un nouveau sous-sous-genre, le “Found-foutage de gueule”.
Présenté comme la suite du film de Myrick et Sanchez, son Blair Witch n’est en fait qu’un vulgaire remake, se contentant de reprendre bêtement les mêmes éléments dramatiques, les mêmes ficelles, le même genre de personnages. Aucune imagination! Aucune innovation, si ce n’est l’utilisation d’une caméra-drone qui n’est absolument pas exploitée par le scénario et ne sert finalement qu’à glisser deux ou trois plans aériens bien inutiles (une forêt, vue d’en haut, c’est assez monotone…).

Cette “suite”, donc, se déroule dix-sept ans après la disparition d’Heather Donahue et de ses deux camarades. Son frère James décide de partir à sa recherche. Evidemment, pour faire simple, il s’embarrasse d’une apprentie-cinéaste désireuse de filmer sa quête fraternelle, d’un vieux copain et de sa petite amie, de plusieurs caméras et du fameux drone…. Bon déjà, on a du mal à y croire. Autant on pouvait trouver crédible le projet des trois étudiants en cinéma dans le premier opus, autant là, l’argument nous semble léger… Mais il en faut bien un, puisqu’il s’agit d’un found-footage…
On reste dubitatifs quand les quatre comparses acceptent d’emmener avec eux un couple de des geeks locaux en mal de sensations fortes. Déjà parce que depuis Délivrance, tout le monde sait qu’il faut se méfier des autochtones à l’air malsain, et  ensuite parce qu’il ne nous semble pas très malin de suivre de parfaits inconnus dans une forêt inhospitalière qui a été le théâtre de disparitions mystérieuses…
Mais admettons…

(v.l.n.r.) Lisa (Callie Hernandez), James (James Allen McCune, r.), Peter (Brandon Scott) stützen Ashley (Corbin Reid), Lane (Wes Robinson) und Tamara (Valorie Curry)

Les six personnages se mettent donc à déambuler dans les bois et finissent par trouver l’entrée de l’antique forêt de Blair. Ne tenant pas compte du panneau lugubre les invitant à rebrousser chemin, ils continuent d’avancer jusqu’à une clairière, où ils décident de passer la nuit. (Toute ressemblance avec un film ayant existé est purement fortuite…)
Leur sommeil est troublé par des bruits étranges venant de l’extérieur des tentes. Quand ils se réveillent, plusieurs heures après, ils découvrent des symboles étranges, faits de bois et de corde (Ca alors, quelle surprise!).
Ils décident alors de rebrousser chemin, mais réalisent vite qu’ils tournent en rond et que le temps ne semble plus tout à fait s’écouler normalement. (Sans blague!)
Finalement, les personnages principaux finissent par tomber sur la maison délabrée de la sorcière où les attend un sort funeste (On ne l’aurait jamais deviné!).
On comprend qu’Adam Wingard ait voulu rester assez fidèle à l’oeuvre originale et à sa structure, mais à trop vouloir coller au long-métrage de Myrick et Sanchez, il n’y a plus aucun effet de surprise. On devine toutes les péripéties et tous les effets horrifique à l’avance, ce qui, pour ce genre de film est quand même fort préjudiciable.
Avec un nombre de personnages doublé par rapport au film original, le cinéaste avait pourtant matière à innover. Mais les protagonistes sont très mal utilisés. Ils n’ont d’autre fonction que de servir de “chair à canon” et leurs morts sont finalement assez répétitives (en résumé, ils courent comme des idiots dans les bois et se font assommer par des branchages avant d’être traînés par une force invisible).
On aurait aimé que les locaux qui accompagnent les vidéastes amateurs soient plus ambigus, que le cinéaste joue plus sur l’idée d’un temporalité complètement bouleversée et ressentie différemment par les personnages. A la place, on a droit à des péripéties convenues, dénuées d’imagination, et qui, contrairement au film matriciel, ne laissent plus aucune possibilité de lecture alternative du récit.

Tamara (Valorie Curry)

Vous l’aurez compris, Blair Witch est une grosse déception. On attendait bien mieux de la part d’Adam Wingard, auteur du réjouissant You’re next.  Et on attendait autre chose qu’un vulgaire remake après autant d’attente. D’accord, c’est ce qu’a fait J.J.Abrams avec l’épisode VII de Star Wars, mais son film comportait quand même plusieurs nouveautés, au niveau des personnages ou des pistes narratives, et il avait au moins le mérite d’être correctement rythmé, ce qui n’est pas le cas ici. Wingard aurait été bien inspiré de prendre exemple sur 10, Cloverfield Lane, qui a réussi a prouesse de proposer une véritable suite à Cloverfield en adoptant une forme cinématographique et une trame narrative radicalement différentes.
On espère que les producteurs arrêteront là les frais et raseront la forêt de Blair pour en faire des meubles suédois. Cependant, vu que les coûts de production sont très faibles comparés aux recettes engrangées, il est à craindre une longue liste de suites aussi foireuses les une que les autres…


Blair WitchBlair Witch
Blair Witch
Réalisateur : Adam Wingard
Avec : James Allen McCune, Callie Hernandez, Brandon Scott, Corbin Reid, Wes Robinson, Valorie Curry
Origine : Etats-Unis
Genre : Found-foutage de gueule
Durée : 1h29
date de sortie France : 21/09/2016
Contrepoint critique : Ecran Large

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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