Better man affBetter man est le biopic du chanteur britannique Robbie Williams. Il relate déjà son enfance, dans les années 1970, dans un quartier populaire de Stoke-on-Trent, dans le Staffordshire. Le jeune garçon ne se distingue alors ni par son physique, trop frêle par rapport aux gamins de son âge, ni par ses résultats scolaires, ce qui lui vaut de subir les moqueries de ses camarades. Sa seule force est son culot et une certaine propension à faire le show, un talent hérité de son père, Peter, et qu’il met à profit lors d’une pièce de théâtre montée par son école où il fait sensation. Cette heure de gloire est un peu amère, car son père, justement, n’y assiste pas, trop occupé à préparer sa nouvelle vie. Peu de temps après, Peter va en effet partir sur les routes d’Angleterre pour tenter de réaliser son rêve et devenir comédien de stand-up et chanteur. Pour cela, il va tout laisser derrière lui, y compris son ex-femme, sa mère et Robert. Par esprit de revanche, le gamin se promet de devenir un chanteur célèbre et d’obtenir ainsi le respect et la fierté paternelle.
A seize ans, alors qu’il se débat avec des études pour lesquelles il n’est visiblement pas fait, Robert s’inscrit au casting organisé pour créer un nouveau boys band, Take That. Si ses talents de chanteur et de danseur ne convainquent pas vraiment, son audace et sa gouaille lui permettent d’être engagé par le manager Nigel Martin-Smith. Le groupe va connaître un succès fulgurant, notamment auprès des jeunes anglaises, et permettre a Robert, rebaptisé “Robbie” par le manager, de réaliser ses rêves de gloire. Cependant, le jeune homme réalise que cette notoriété ne suffit pas à le combler. Il aimerait apporter sa touche personnelle aux performances du groupe, avoir davantage de place en tant que chanteur et comme compositeur, ce que lui refusent Martin-Smith et le leader du groupe, Gary Barlow. Ce rejet ne fait qu’accentuer son complexe d’infériorité et son manque d’estime de soi et cela le plonge dans une dépression qu’il soigne à sa façon, avec un cocktail d’alcool et de cocaïne.
Evidemment, ceci n’est pas sans conséquences sur ses performances scéniques, qui conduisent à la rupture avec le groupe.
Toujours par esprit de revanche et désir de prouver sa valeur, le jeune chanteur s’est illico lancé dans une carrière solo qui, après un démarrage poussif, a décollé grâce au titre “Angels” et l’a conduit à de nombreux succès et des dizaines de millions d’albums vendus, ainsi qu’au concert qui lui a enfin permis de s’accepter en tant qu’artiste, à Knebworth. Mais là encore, le parcours n’a pas un long fleuve tranquille, car la drogue, l’alcool et ses vieux démons ont continué à le poursuivre, mettant en péril sa carrière, ses relations avec ses proches et sa propre vie.

Bon, soyons clairs, en tant que biopic, Better man manque un peu de contenu. La vie d’un chanteur pop de cinquante ans, ayant un temps été sous l’emprise de l’alcool et des drogues, n’est, hormis pour ses fans, évidemment pas aussi intéressant que l’existence de certaines personnalités politiques ou artistiques majeures. Mais justement, le film de Michael Gracey ne cherche pas du tout à livrer une biographie filmée classique. C’est autant le portrait de Robbie Williams que le portrait, plus universel, d’un individu tourmenté, dont l’existence est constamment menacée par un complexe d’infériorité, l’idée que son imposture va être découverte et le faire basculer dans le vide. C’est pour cela que le réalisateur a eu l’idée de représenter Robbie Williams sous les traits d’un chimpanzé en images de synthèse. Le singe représente une sorte d’humanoïde sous-développé, un “sous-homme” juste bon à gesticuler et faire des grimaces. Ce procédé, bien que déconcertant de prime abord, s’avère finalement malin (comme un singe), car il permet de prendre du recul vis-à-vis de l’icône Robbie Williams et facilite l’attachement des spectateurs à ce protagoniste atypique. Cela permet à chacun de s’identifier à lui ou de retrouver des traits de proches, renforçant ainsi l’empathie. L’autre avantage du dispositif est de marquer l’évolution du personnage. A mesure que le récit avance et que le personnage gagne en sagesse et en maturité, les traits simiesques s’humanisent et se mêlent aux traits du chanteur, comme s’il abandonnait ses vices, son “monkey business”, pour devenir un homme meilleur (“better man” en anglais), enfin en paix avec lui-même et ceux qui l’entourent. Enfin, cette approche permet au cinéaste de faire le lien avec son précédent long-métrage, The Greatest showman, qui racontait la vie de Phineas Taylor Barnum et nous plongeait dans l’univers des freak shows. Comme les monstres de foire de ce récit, le singe Robbie est aussi un être différent, évoluant à la marge de la société – ou du moins ayant cette désagréable impression d’être un paria.

Que les fans se rassurent, le film n’est pas totalement expérimental. C’est bien un hommage au chanteur britannique. C’est même une belle réussite dans ce domaine, grâce à de beaux numéros, qui rappellent des clips de l’artiste ou adressent des clins d’oeil à certaines de ses collaborations, tout en proposant un show étourdissant, digne des meilleures comédies musicales hollywoodiennes modernes. On pense notamment à la scène où Robbie et les Take That performent ensemble sur “Rock D.J.”, faux plan-séquence transformant Regent Street et ses magasins en piste de danse géante et en temple de la folie douce, ou à la scène de l’enterrement de la grand-mère de Robbie, entrelacée avec sa performance scénique de “Angels”.
Certains trouveront probablement l’ensemble un peu trop remuant et tape-à-l’oeil. Mais là encore, c’est un choix assumé pour correspondre parfaitement à la dichotomie entre le singe mal assuré et le chanteur déluré : le personnage principal se voit sans talent particulier pour le chant et la danse, sans intérêt en tant qu’individu, mais sait comment provoquer l’auditoire, faire le show en en mettant plein la vue et les oreilles. Le film procède de la même façon, il multiplie les morceaux de bravoure comme s’il cherchait à masquer la vacuité de son sujet, tout en réussissant in fine à lui donner de l’ampleur et à faire naître l’émotion lors d’une jolie scène finale.

Better man s’avère un film très plaisant, qui réussit à nous intéresser à ce chanteur pop même sans en être fan. C’est l’une des bonnes surprises de ce début d’année cinématographique, qui permet de supporter la grisaille actuelle et de ne pas se sentir comme un singe en hiver…


Better Man
Better Man

Réalisateur : Michael Gracey
Avec : Robbie Williams (narrateur), Jonno Davies, Carter J. Murphy, Steve Pemberton, Kate Mulvany, Alison Steadman, Damon Herriman, Raechelle Banno, Jake Simmance, Liam Head, Jesse Hyde, Chase Vollenweider, Tom Budge
Genre : Biopic malin comme un singe
Origine : Royaume-Uni, Australie, Etats-Unis
Durée : 2h15
Date de sortie France : 22/01/2025

Contrepoints critiques :

”Ce qui empêche Better Man de décoller, c’est précisément ce qui fait sa spécificité : ce singe animé, ticket vers le grand spectacle dont les agitations finissent par ressembler à une tentative désespérée d’occuper l’espace.”
(Lelo Jimmy Batista – Libération)

”Musicalement, le long-métrage fait des étincelles : séquences de concerts qui décoiffent, passages chorégraphiés étincelants sur les grands tubes de Robbie Williams, on en prend plein les yeux et les oreilles, tout en étant très touchés par l’authenticité de ce récit d’une vie hors norme.”
(Renaud Baronian – Le Parisien)

Crédits photos : 2023 Paramount Pictures

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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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