On l’a vu résister à l’attraction de Magneto, réchapper des luttes fratricides entre mutants, surmonter la perte de son grand amour, Jean Grey. On a aussi découvert que, par le passé, il a survécu à la Guerre du Vietnam, à la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi à la Première Guerre Mondiale et même à la Guerre de Sécession (Eh, attendez, ça lui fait quel âge, tout ça ?!?).
On l’a vu encaisser les assauts de Deadpool, d’un gang de yakuzas, de plusieurs savants fous, de machines de guerre complexes… On l’a vu voyager dans le temps et survivre à l’Apocalypse…
Avec tout cela, on pensait donc Wolverine immortel. On se trompait. Car s’il possède toujours son pouvoir de régénération cellulaire et un squelette en adamantium qui devrait lui éviter de se casser le col du fémur, Logan n’est pas en grande forme en cette année 2029. Il a les griffes rouillées, le genou en miettes, le corps bardé de cicatrices, de bosses et de petites plaies qui ont de plus en plus de mal à se suturer correctement. Bref, il vieillit mal, même si on aimerait encore être aussi vaillants à son âge (pas loin de 200 ans, quand même, si on considère que son année de naissance est approximativement 1835…).
On devine même qu’il est en proie à un mal qui le ronge de l’intérieur, un cancer qui pourrait être induit, paradoxalement, par la grosse quantité d’adamantium présente dans son organisme. Il sait que ses jours sont comptés et semble même envisager le suicide pour mettre un terme à ses souffrances. En attendant, il gagne péniblement sa vie en exerçant le métier de chauffeur VTC…
Charles Xavier n’est guère mieux loti. Il a toujours eu l’air vieux, avec son crâne chauve et son fauteuil roulant, mais il compensait par une vivacité d’esprit toute juvénile. Mais à bientôt cent ans, il souffre désormais de crises de démence sénile qui rendent terriblement dangereux ses pouvoirs télépathiques. Pour éviter qu’il ne soit un danger pour la société, Logan l’a installé dans un container métallique perdu dans le désert mexicain et placé sous la garde de Caliban (Stephen Merchant). On devine que ses jours sont comptés. Avec lui va disparaître l’oeuvre de sa vie, la cohabitation des humains et des mutants. En effet, ces derniers disparaissent peu à peu, et aucune nouvelle génération de mutants n’a vu le jour depuis longtemps…
L’irruption de la petite Laura Kinney (Dafne Keen), une gamine qui semble posséder les mêmes pouvoirs que Wolverine, va les entraîner dans une ultime aventure. La fillette et sa mère sont en effet poursuivies par le service de sécurité d’un puissant groupe de recherche paramilitaire. Elles sollicitent l’aide de Logan pour la protéger et la convoyer jusqu’à la frontière canadienne, où est supposé se trouver l’Eden des jeunes mutants, un lieu où ils pourront se développer à l’abri des convoitises.
Wolverine refuse tout d’abord cette mission. Il a déjà assez à faire avec la déliquescence de son vieux mentor et l’évolution de sa propre maladie. Mais quand le conflit viendra directement frapper à sa porte, il n’a pas d’autre choix que de prendre en charge cette jeune cliente un peu particulière et d’endosser un rôle de père assez inattendu.
La première chose qui frappe, dans cet ultime opus de la saga Wolverine, c’est le ton général, crépusculaire, funèbre et beaucoup plus sombre que les films de super-héros qui investissent habituellement nos salles obscures. Ici, les (super) héros sont fatigués, désabusés, un peu aigris, loin, en tout cas, de l’image positive véhiculée par les comics. Logan considère d’ailleurs ces derniers avec dédain, estimant qu’ils enjolivent un peu trop la réalité, quand ils n’inventent pas purement et simplement des faits d’armes. Dans la vraie vie, les choses sont beaucoup plus complexes. Les combats peuvent s’avérer fatals, les blessures font mal, même quand on a un pouvoir de régénération ultra-rapide comme Wolverine. Et forcément, quand on se bat seul contre des groupes de bad guys, on se prend des coups, des coupures, des balles…
Et encore, ce qui préoccupe plus Logan, c’est ce qui peut arriver à son véhicule, devenu son outil de travail. Parce que sa voiture, contrairement à lui, ne peut pas se régénérer. La tôle froissée reste abîmée, les impacts de balles ne sont guère engageants pour les passagers, même s’ils offrent un système de ventilation gratuit.
En fait, ce que montre le film de James Mangold, c’est que les super-héros sont (presque) des gens ordinaires. Ils doivent faire face aux mêmes difficultés que Monsieur ou Madame « Tout le Monde », gérer les petits tracas du quotidien (en plus de sauver la planète des savants fous et autres mutants psychopathes), gagner sa croûte (super-héro, c’est juste un hobby, pas un métier qui rapporte…). Ils sont confrontés aux affres du vieillissement, de la maladie, de la fin de vie de leurs proches – et de la leur – élever leurs enfants, etc.
Le film tourne beaucoup autour de la relation naissante entre Logan et Laura. L’arrivée de la jeune fille va obliger cet éternel rebelle à se resocialiser, se responsabiliser et à se comporter comme un vrai père de famille. Car, si la gamine se montre plus mature que les filles de son âge, il lui arrive fréquemment de laisser sa part animal s’exprimer, notamment dans les situations où elle se retrouve confrontée à de l’hostilité ou à des interdits. Logan, qui a dû avoir à peu près le même comportement dans sa jeunesse avant de voir sa fougue canalisée (à peu près) par le Professeur Xavier, est bien placé pour lui rappeler les interdits et lui inculquer le concept de la frontière entre le Bien et le Mal.
Evidemment, il doit se faire violence, car la fibre paternelle n’est pas spécialement inscrite dans ses gènes. Mais peu à peu, une certaine tendresse se fait jour entre les deux personnages, même s’ils sont trop fiers pour l’admettre.
A cette belle entente, qui se rapproche d’une vraie relation père-fille, se superpose l’amitié unissant depuis longtemps Charles Xavier et Logan. On le sait, le Professeur est en quelque sorte devenu le père de substitution de Logan. Il l’a élevé et a su canaliser sa violence. Aujourd’hui que Charles Xavier est devenu malade et dépendant, Logan ne peut pas l’abandonner. Il donne ses dernières forces pour s’occuper de son mentor et lui assurer une fin de vie digne.
Cependant, n’allez pas croire qu’avec tous ces beaux moments de complicité, Logan soit un film « fleur bleue ». On l’a dit, c’est une œuvre sombre, désespérée, et ce côté « dark » s’accompagne évidemment d’une violence extrêmement graphique. Les balles sifflent, les griffes charcutent à tout va. Le sang gicle à flots, les membres tombent, tranchés nets, les chairs, les os, les yeux sont transpercés, broyés, déchiquetés… On a rarement vu un tel déferlement de violence gore dans un film Marvel. Autant dire que Logan ne s’adresse pas du tout aux petits gloutons à peine sortis de leur grotte. Il faut d’ailleurs avoir au moins 12 ans pour être autorisé à découvrir ce film au cinéma…
Dans l’esprit, on n’est pas très loin de la Trilogie Dark Knight de Christopher Nolan. Et à l’écran non plus. La mise en scène de James Mangold s’avère efficace, alternant parfaitement moments intimistes et scènes d’actions trépidantes. Conscients de faire leurs adieux à l’univers des X-Men et à une collaboration de près de vingt ans, Patrick Stewart et Hugh Jackman donnent leur maximum pour faire de ce Logan une réussite majeure. Et la jeune Dafne Keen ne se laisse pas impressionner par ses deux partenaires. Dans un rôle quasi-mutique, elle fait preuve d’une belle présence à l’écran et devrait assurer la relève pour toute une nouvelle génération de films de la saga « X-Men ».
Seul bémol : la fin du long-métrage, qui retombe, hélas, dans les travers des deux premières aventures de Woverine. Déjà, le choix de l’opposant de Logan laissera plus d’un spectateur perplexe, car il fait perdre un peu de crédibilité à l’intrigue mise en place jusqu’alors. Ensuite, la mise en scène verse dans la surenchère. La caméra s’emballe, rendant l’action confuse, et l’affrontement part un peu dans tous les sens, préférant le spectaculaire à ce réalisme sauvage qui faisait la force du film. Quel dommage!
Cependant, ne faisons pas la fine bouche. Logan est un très bon film de super-héros, qui conclut en beauté la Saga Wolverine au cinéma. On espère que cette approche du genre fera des émules et que les studios Marvel nous offrirons toujours plus de films de super-héros conçus pour un public mature et exigeant.