Nick Frost doit avoir une bouille à attirer les extra-terrestres…
Après avoir ramassé Paul dans le film éponyme, en compagnie de son vieux pote Simon Pegg, voilà qu’il assiste médusé – car sous l’emprise du cannabis – à une pluie d’aliens aux dents acérées – et fluo –sur un quartier sensible au sud de Londres.
Mais cette fois, il n’est pas le personnage principal du film, juste un second rôle assez savoureux – l’assistant d’un dealer de hasch patibulaire. Les héros sont – ce n’est pas banal – un groupe de jeunes délinquants régnant en caïds sur “leur” cité, des gamins du genre de ceux que Nicolas Sarkozy voulait corriger au karcher.
Alors qu’ils étaient en train d’agresser une infirmière traversant leur quartier, de nuit, les jeunes voyous sont interrompus par la chute d’une météorite. A l’intérieur, un ET ressemblant à un gros singe et animé de mauvaises intentions. Les jeunes ne se laissent pas impressionner. Ils traquent et tuent la créature, puis la ramènent comme trophée à la cité, persuadés de pouvoir en tirer un bon prix – après tout, on ne découvre pas tous les jours des créatures venues du fond de l’espace…
Le hic, c’est que d’autres aliens débarquent sur les lieux, plus gros, plus véloces, plus terrifiants. Et ils semblent vouloir venger la mort de leur copain puisqu’ils suivent surtout la bande de jeunes racaillous…
Aidés de leur ex-victime – l’infirmière du début – le gang va tenter de repousser les assauts des créatures et sortir de cette histoire vivant…
Attack the block ressemble à ces séries B d’horreur et de SF des années 1980, dont le manque de moyens ou les effets spéciaux indigents – du genre, les crocs fluos… – étaient compensés par l’envie de proposer au spectateur un divertissement efficace et sans prétention, dans le strict respect des conventions du genre.
On pense bien sûr aux films de John Carpenter qui lui-même s’était fortement inspiré des westerns de l’âge d’or hollywoodien pour ses mises en scène. La situation – le siège d’un bâtiment par des créatures belliqueuses – évoque Assaut ou Ghosts of Mars – et le cinéaste, Joe Cornish, dit s’être inspiré de Snake Plissken le héros de New York 1997 joué par Kurt Russell pour façonner le personnage de Moïse, le leader du gang…
On pense aussi à certains films de Walter Hill, un autre spécialiste de la série B des eighties, comme Les Guerriers de la nuit ou Les Rues de feu…
Quant aux créatures, elles ressemblent à de grosses boules de poils qui rappelleront des souvenirs émus – ou non – à ceux qui ont vu les Critters.
Comme son copain Edgar Wright, avec qui il a écrit le scénario de AntMan et l’un des deux volets du Tintin de Spielberg et Jackson, Joe Cornish a été biberonné aux films fantastiques et aux séries B remuantes. Il maîtrise les codes de ces genres de film. Du coup, bien qu’il ne signe là que son premier long-métrage, il sait parfaitement comment filmer une course-poursuite ou comment faire monter la tension dans un couloir obscur…
Et comme Edgar Wright, Simon Pegg et Nick Frost, le cinéaste sait faire preuve d’un humour soooo british – et assez irrésistible par moments – pour meubler les moments de creux dans l’action.
Mais attention, ceux qui s’attendent à se bidonner devant ce film en seront pour leurs frais. Contrairement à ce que laisse présager la mention sur l’affiche – “par les créateurs de…” – Attack the block ne joue pas vraiment dans la même cour que Shaun of the dead ou Hot Fuzz. Contrairement à ces deux titres, il ne s’agit pas d’une parodie geek ultra-référentielle. Juste d’une série B qui mélange les genres de manière décomplexée et entend offrir au public un divertissement sympathique, sans prise de tête.
On sent beaucoup d’enthousiasme et d’envie de bien faire dans la mise en scène, ce qui nous rend enclin à pardonner au film tous ses petits défauts – le cabotinage outrancier de certains acteurs, les effets fauchés, les monstres assez moches, les situations absurdes ou incongrues (pour une cité, les lieux sont étonnamment déserts)…
Finalement, le film tient bien la route et se laisse voir avec un plaisir même pas coupable. On peut même y trouver un léger sous-texte politique sur les banlieues et les classes sociales défavorisées, qui pimente encore un peu l’ensemble…
Bref, voilà un film mineur, mais plutôt sympathique…
Autre budget, même démarche… Avec Super 8, J.J.Abrams rend lui aussi hommage aux films d’aventures et de SF des années 1980. Mais il lorgne plus sur les films réalisés ou produits par Steven Spielberg, mettant en place une intrigue évoquant, pêle-mêle, Les Goonies, Rencontres du troisième type, E.T, ou La Guerre des mondes.
Ses héros sont une bande d’adolescents du Middle west américain, au début des années… 1980 (ben oui…).
Leur leader, Charles, un gamin rondouillard et passionné de cinéma – ça sent l’alter ego du cinéaste, ça… (1) – ambitionne de réaliser un premier film, une histoire de zombies à la Romero (2).
Armé de sa caméra super 8 – on est au début des eighties et les plus jeunes d’entre vous seront peut-être surpris d’apprendre que les ipads n’existaient pas à l’époque- et enrôlant ses copains comme acteurs/assistants/techniciens, il brave l’interdiction parentale pour aller tourner en pleine nuit une des grandes scènes de son film, sur le quai de la gare de triage voisine.
Quand un train de marchandises passe à ce moment-là, le cinéaste en herbe jubile, estimant que cet “accessoire” imprévu va ajouter du réalisme à sa scène. Cela va aller au-delà de ses espérances : le train déraille, se renverse dans un vacarme épouvantable et transforme le paysage en champs de ruines post-atomique.
Une fois remis du choc, les jeunes cinéphiles envisagent de profiter de l’aubaine pour ajouter des plans de désolation à leur film, mais ils n’ont pas franchement le temps d’en profiter… Ils réalisent avec stupeur que le déraillement n’était pas accidentel mais provoqué délibérément par leur prof de science. Celui-ci, sérieusement amoché, leur demande de quitter les lieux et de ne surtout pas parler des détails de l’incident en ville. Ils ont juste le temps de fuir avant l’arrivée des militaires, inquiets de la disparition de la “cargaison” du convoi : des cubes bizarroïdes, mais aussi et surtout une créature monstrueuse et potentiellement dangereuse…
Les jours suivants, alors que les jeune héros reprennent leur tournage, des événements étranges se produisent en ville : phénomènes électromagnétiques, dégâts matériels plus ou moins importants, disparitions en tous genre, des plus farfelues -fours micro-ondes, chiens, etc… – au plus inquiétantes – êtres humains…
Le groupe d’amis va devoir se montrer plus soudé que jamais pour affronter d’une part les militaires cherchant à retrouver et neutraliser ces témoins gênants, et d’autre part la créature qui menace leur ville…
Bien que le cinéaste s’en défende, l’hommage à Steven Spielberg est totalement prégnant. A chaque plan, un petit détail vient rappeler une des oeuvres du cinéaste.
La bande de gamins héroïques rappelle Les Goonies (réalisé par Richard Donner mais produit par Spielberg). Le jeune héros, Joe Lamb (Joel Courtney) évoque Elliott, le gamin de E.T.. Son père (Kyle Chandler) est un shérif dépassé par les événements comme Roy Scheider dans Les Dents de la mer. Quant à l’héroïne de la petite bande, qui rappelle un peu Dakota Fanning dans La Guerre des mondes, elle est jouée par… Elle Fanning, sa petite soeur.
Sinon, vu la nature science-fictionnelle du film, les références à E.T. et La Guerre des mondes donc, mais aussi à Rencontres du troisième type sont multiples et variées
L’influence se ressent jusque dans la mise en scène, avec des reprises de plans et de mouvements de caméra à l’identique…
Le film ressemble donc vraiment à s’y méprendre à une oeuvre de Steven Spielberg. Dans ce qu’elle peut avoir de meilleur comme de pire.
Pour le meilleur, il s’agit d’un film d’aventures fantastiques décomplexé qui plonge immédiatement le spectateur au coeur du récit et ne le lâche plus jusqu’au générique de fin, d’un subtil alliage de comédie, d’émotion, de suspense et de frissons, mené avec un sens du rythme indéniable. Et un festival d’effets visuels et sonores pour lesquels les auteurs n’ont pas lésiné sur les moyens… Bref, un grand film d’aventures fantastiques populaire, au sens noble du terme…
Pour le pire, on doit se fader le côté “gentillet” des productions Amblin. On a droit d’emblée à un petit côté mélo archi-convenu – le trauma du jeune héros qui a perdu sa maman et qui cherche vainement l’affection paternelle – avec moult situations qui, évidemment, trouveront une résolution positive à la fin du film. Hors de question de secouer la sacro-sainte morale américaine : les héros sont positifs, les monstres pas forcément aussi méchants qu’on ne le pense, moins, en tout cas, que certains humains – booouuuh, les vilains militaires ! – l’amitié est sacrée, la famille aussi et la drogue, c’est pas bien…
Avec un tel sujet, on rêvait de quelque chose d’un peu plus noir, à la façon d’un roman de Stephen King par exemple, ou de certaines production de… J.J.Abrams.
Dommage, car, derrière cet enrobage purement “Spielbergien”, on reconnaît nettement les obsessions et les thématiques chères au créateur de “Lost” : phénomènes électromagnétiques inexplicables (comme sur l’île de “Lost”), attaques d’un monstre gigantesque et invisible (comme la fumée noire de “Lost” ou la créature de Cloverfield), accident spectaculaire (le déraillement du train versus le crash du vol Oceanic 815). Sans oublier une passion à la fois pour le fantastique pur et dur et la science-fiction…
Là, malgré l’ambiance mystérieuse savamment mise en place, les rebondissements sont un peu trop attendus pour convaincre et l’ensemble manque un peu de cette intensité dramatique qui aurait pu lui conférer une autre envergure.
Super 8 n’est pas un grand film, mais c’est un blockbuster agréable à suivre, dans l’esprit des oeuvres des années 1970/1980, quand les grands studios hollywoodiens avaient encore un peu d’imagination et d’audace et produisaient autre chose que des remakes calamiteux ou des suites jusqu’à épuisement du filon… Et quand Steven Spielberg était ce jeune réalisateur ambitieux des Aventuriers de l’arche perdue, pas le nabab paresseux livrant un très médiocre Indiana Jones et le Royaume des crânes de cristal…
Cela dit, on attend de voir ce que va donner son adaptation de Tintin et le secret de la licorne… Prochainement sur nos écrans… En attendant, “watch the skies!” (3)
(1) : En fait, c’est grâce au super 8 que J.J. Abrams et Steven Spielberg se sont rencontrés pour la première fois. Adolescents, Abrams et son ami Matt Reeves (le réalisateur de Cloverfield) se sont fait remarquer lors d’un festival de films amateurs. Ils ont notamment attiré l’attention de Kathleen Kennedy, proche collaboratrice de Steven Spielberg.
Ainsi, les deux garçons se sont vu offrir la possibilité de restaurer les tous premiers films de Spielberg, tournés en super 8 durant son enfance et entretiennent depuis une relation privilégiée avec le réalisateur de La Liste de Schindler. La scène de déraillement du train électrique est d’ailleurs inspirée d’un de ces films de jeunesse de Spielberg.
(2) : quelques clins d’oeil à Romero et à sa Nuit des morts-vivants sont glissés dans le film…
(3) : “Watch the skies” signifie ‘Surveillez le ciel!”. C’est aussi le titre d’un documentaire de Richars Schickel dans lequel Steven Spielberg parle des vieux films de SF qui ont bercé sa jeunesse.
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Attack the block
Attack the block
Réalisateur : Joe Cornish
Avec : Nick Frost, Jodie Whittaker, John Boyega, Alex Esmail, Leeon Jones, Luke Treadaway Origine : Royaume-Uni
Genre : Mon E.T. va cracker
Durée : 1h28
Date de sortie France : 20/07/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Le Nouvel Obs
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Super 8
Super 8
Réalisateur : J.J.Abrams
Avec : Joel Courtney, Elle Fanning, Kyle Chandler, Riley Griffiths, Ryan Lee, Ron Eldard, Noah Emmerich, Bruce Greenwood
Origine : Etats-Unis
Genre : hommage à tonton Steven
Durée : 1h50
Date de sortie France : 03/08/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Télérama