Dans chaque famille, on peut trouver une brebis galeuse. Un asocial, un individu un peu dérangé, un marginal… Mais certains clans sont plus gâtés que d’autres…
Prenez la famille Cody, dans la banlieue de Melbourne : Une fratrie de criminels patibulaires. L’aîné est un dangereux braqueur et fait régner la terreur y compris dans son propre clan, le cadet est plus sage – il entend bien boursicoter avec le fruit de ses cambriolages – le benjamin, un rien parano, fait du trafic de drogue et en consomme aussi pas mal, et le petit dernier emprunte les mêmes sentiers que ses frangins… Et tous sont couvés par une matriarche surprotectrice et limite incestueuse…
Il y avait aussi une fille, fâchée avec le reste du clan depuis des années. A sa mort – d’une overdose, il restait quand même quelques tares – son fils Josh, encore mineur, n’a pas d’autre option que de s’installer avec ses tontons flingueurs. L’adolescent doit essayer de trouver sa place au sein de cette famille de mabouls au pire moment, alors qu’elle est harcelée par la police, qui a décidé de coincer le frère aîné par tous les moyens…
Une intervention tourne mal, provoquant une escalade de la violence aux conséquences tragiques. Josh assiste d’abord de loin à cette succession de règlements de comptes entre flics et voyous, mais est pressé de chaque côté de s’impliquer. Ses oncles ont besoin de renforts et veulent l’initier aux joies du grand banditisme, les policiers, ayant bien compris qu’il est le maillon faible de la famille, espèrent le convaincre de dénoncer ses proches et de témoigner contre eux au procès… Il se retrouve donc entre deux camps, dans une situation inconfortable, alors qu’il ne prétend qu’à vivre heureux auprès de sa petite amie, une jolie voisine qui fait, elle, dans l’honnête…
L’intérêt d’Animal Kingdom, premier film de l’australien David Michôd, ne se situe pas tant dans son intrigue proprement dite que dans le cheminement psychologique de l’adolescent, forcé à faire des choix douloureux, et dans la dimension que prend le récit. On navigue entre une sorte de tragédie antique transposée dans un contexte plus contemporain, plus urbain, avec ses liens familiaux tordus et son acmé dramatique percutante, et la description d’un univers très brut, très animal, qui permet une variation sur la loi du plus fort et l’instinct de survie…
Le titre (le “règne animal” en français), évoque un monde de prédateurs, d’animaux féroces. Seuls les plus forts peuvent survivre. Les faibles, eux, sont menacés… De fait, les personnages du film agissent comme des bêtes traquées qui défendent leur territoire (les oncles) ou leur progéniture (la matriarche). L’organisation est celle de la meute, avec la bienveillante génitrice et le mâle dominant qui sert de guide aux autres, jusqu’à ce qu’un jeune loup ne défie son autorité…
Rien d’étonnant, alors, à ce que le réalisateur observe tout ce petit monde comme un documentariste animalier. Contrairement à nombre de ses confrères, il délaisse les ambiances nocturnes typiques du polar pour livrer un film à la lumière crue, très blanche, suivant au plus près les différents protagonistes, tels des lions en cage.
Evidemment, il s’appuie beaucoup sur ses acteurs, plutôt convaincants, surtout le jeune James Frechville, Jacki Weaver, impressionnante mère poule aux instincts meurtriers très développés, et Ben Mendelsohn en chef de famille psychopathe.
Au rayon des points faibles – car il y en a, hélas – on déplore le rythme imprimé au récit, assez lent, et plombé par un abus caractérisé d’effets de ralentis. Cela finit par lasser, d’autant que les péripéties sont finalement hautement prévisibles. Même le dénouement, conçu pour être choc, se devine aisément. (Cela dit, la séquence est efficace…)
Il y a aussi quelques personnages un peu trop grossièrement taillés – le frère dealer et camé jusqu’à l’os, l’avocat véreux…
Mais bon, pour un premier film, c’est plutôt inspiré et prometteur.
Le succès rencontré par Animal Kingdom dans les différents festivals où il a été présenté (grand prix de Sundance, prix de la presse à Beaune, entre autres…) devrait logiquement permettre au cinéaste de poursuivre sa carrière et de livrer, on l’espère, une oeuvre encore plus aboutie.
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Animal Kingdom
Animal Kingdom
Réalisateur : David Michôd
Avec : James Frechville, Jacki Weaver, Ben Mendelsohn, Guy Pearce, Luke Ford, Joel Edgerton
Origine : Australie
Genre : James Gray chez les kangourous
Durée : 1h52
Date de sortie France : 27/04/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Filmsactu
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