Pour une fois, le titre français, aussi moche soit-il, est bien trouvé. Albert à l’ouest est un film qui est effectivement “à l’ouest”, paumé entre une parodie de western, une comédie bien grasse et une romance aux soubresauts narratifs ultra-prévisibles, et abandonné aux délires puérils de son auteur.
On y suit les mésaventures d’Albert (Seth MacFarlane), un inoffensif berger qui essaie tant bien que mal de rester en vie dans l’environnement hostile que constitue far-west américain, avec ses despérados impitoyables, ses indiens sanguinaires et ses animaux venimeux, sans oublier ses duels au soleil où il est fréquent de se retrouver transformé en passoire… Mais son comportement de pleutre finit par lasser sa fiancée, Louise (Amanda Seyfried), qui ne rêve que d’un homme brave, viril, et si possible plein aux as. Elle le plaque donc pour s’afficher aux bras de Foy (Neil Patrick Harris), le barbier, qui semble cumuler toutes les qualités.
Albert est effondré, mais l’arrivée en ville d’une belle inconnue, Anna (Charlize Theron), va l’aider à reprendre pied. Elle accepte de l’aider à reconquérir sa dulcinée, d’une part en rendant cette dernière jalouse, et d’autre part en lui apprenant quelques rudiments de tir. Evidemment, à mesure que ces deux-là apprennent à se connaître, ils finissent par tomber amoureux. Seul petit problème, Anna est la femme d’un dangereux hors-la-loi, Clinch (Liam Neeson) et ce dernier entend bien laver l’affront qui lui a été fait…
Nous aussi, parfois, on rêve d’affronter en duel les cinéastes malfaisants et laver l’affront fait au 7ème Art. Et on est prêts à dégainer notre six-coups contre le cowboy MacFarlane, qui cumule les casquettes de producteur/scénariste/réalisateur/acteur principal de cette affreuse pochade.
Nous avions pourtant aimé le côté iconoclaste et déjanté de Ted, sa précédente création, mais là, force est de constater que le résultat est assez affligeant, et il est le principal artisan de cet échec.
Maintenant qu’il ne se cache plus derrière son nounours en peluche, MacFarlane se montre sous son vrai jour : un grand gamin attardé, dont une partie du cerveau est resté bloqué en plein âge bête – pipi caca prout, la sainte trinité des gags scato – et l’autre dans l’âge ingrat – cul, bite, foufoune, la trilogie culte de l’ado libidineux. Alors évidemment, quand les deux hémisphères se mettent en branle – si on ose s’exprimer ainsi – le résultat n’est évidemment pas d’une subtilité et d’une finesse folles. Ce serait pardonnable si les gags ainsi empilés étaient drôles, mais ce n’est pas vraiment le cas. Oh, on sourit bien de quelques gags trash, comme les morts brutales et gratuites de quelques pauvres hères victimes de l’Ouest sauvage, mais la plupart des scènes sont plombées par la lourdeur des effets comiques utilisés.
La mise en scène, très plate, n’aide pas… Là encore, il y a un manque flagrant de maturité chez le cinéaste, qui peine à insuffler du rythme à son récit, et ne parvient même pas à recycler les vieilles ficelles hollywoodiennes du western et/ou de la comédie romantique.
On aurait un peu plus de folie, ou au moins ressentir une volonté de faire voler en éclats les conventions. Le résultat, hélas, est assez formaté et insipide…
Autre problème : MacFarlane n’a rien d’un grand acteur non plus. Il peine à donner de la consistance à son personnage. Son cabotinage fatigue plus qu’il ne fascine, ce qui est plutôt gênant quand on sait que 80% du film est articulé autour de lui et lui seul.
Et ce ne sont pas les seconds rôles qui peuvent relever le niveau. Certains jouent les utilités (le couple Giovanni Ribisi/Sarah Silverman, très mal exploité, Amanda Seyfried en potiche de luxe….), d’autres en font des tonnes pour exister à l’écran, livrés à eux-mêmes (Liam Neeson, Neil Patrick Harrris…). Dans tous les cas, Mac semble se désintéresser complètement de leur place dans le récit, trop occupé par ses multiples responsabilités sur le tournage.
La seule qui tire son épingle du jeu, c’est Charlize Theron, irrésistible dans la peau de cette cowgirl aussi sexy que dangereuse, capable de porter le corset sans être ridicule et de tirer plus vite que l’ombre de Lucky Luke. Dès qu’elle est à l’écran, elle vole la vedette à ses partenaires, imposant sans peine son charme dévastateur et assénant des répliques cinglantes. On aime notamment celle qu’elle balance à la figure d’Amanda Seyfried “Comment avez-vous fait, avec des yeux aussi gros, pour ne pas voir à quel point Albert est un homme merveilleux”.
On peut aussi reconnaître à MacFarlane un talent certain pour insérer clins d’oeil amusants et caméos savoureux – un mécano de DeLorean et un ex-esclave devenu chasseur de primes, par exemple… Et on retiendra aussi une curieuse scène onirique où des moutons moustachus dansent sur de la musique country.
Cela, allié à la présence de la belle Charlize, permet de supporter jusqu’au bout ce (trop) long western parodique. Mais, hélas, cela ne sauve pas le film de la médiocrité…
Rassurez-vous, on ne fera pas la peau à Seth MacFarlane. Déjà, parce qu’il faut bien admettre que nous ne sommes pas d’aussi fines gâchettes qu’un Clint Eastwood ou un Steve McQueen. Et ensuite parce qu’on espère encore qu’il saura rebondir en signant une comédie pleinement aboutie. Pour cela, il faudra qu’il mette un peu son égo de côté, se focalise uniquement sur l’écriture et la réalisation, et évolue un peu dans le registre de l’humour trash.
Parce que c’est bien beau de promettre d’explorer “Un million de façons de mourir de l’Ouest” (le titre original), mais si c’est pour montrer essentiellement un type mort de honte après avoir fait caca (mou) dans un chapeau, merci mais ce n’est pas très passionnant…
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