Vous êtes nuls en histoire-géographie et vous comptez sur le cinéma pour vous instruire agréablement? Pas idiot… Mais faites attention à quand même choisir les films adéquats, sinon, vous risquez d’être induits en erreur…

En vous glissant dans une salle obscure, vous pourrez apprendre, par exemple, que l’un des plus célèbres présidents des Etats-Unis d’Amérique, Abraham Lincoln, était juriste et a vécu à Springfield, Illinois (oui, comme les Simpson.Euh…). Qu’il a épousé Mary Todd. Qu’il a proclamé l’abolition de l’esclavage, ce qui a occasionné la Guerre de Sécession, opposant les Etats du Nord à ceux du Sud. Et que cette guerre connut son tournant avec la bataille de Gettysburg et prit fin avec la victoire de l’Union sur les états confédérés du Sud… Tout ceci est rigoureusement exact, et vous pourrez parfaitement ressortir ces connaissances au cours d’un dîner mondain sans risque de passer pour un inculte.

Abraham Lincoln chasseur de vampires - 2

En revanche, vous éviterez d’ajouter qu’en fait, le brave Abe était un super-combattant maniant la hache mieux que Conan le Barbare. Qu’il est devenu chasseur de vampires après avoir vu sa mère se faire croquer par une créature démoniaque. Qu’il s’est installé à Springfield pour déjouer le complot d’un groupe de suceurs de sang pro-esclavagistes (car les esclaves peuvent aisément leur servir de dîner après avoir sué sang et eau dans les champs de coton…). Et que la Guerre de Sécession était en fait une guerre entre humains et vampires… Là, c’est tout de suite moins crédible. Et  vous risqueriez de passer pour un crétin. Ou pour un fou furieux. Ou pour un pauvre type ayant abusé de substances illicites.

Non, sérieusement, il a dû prendre des trucs pas très catholiques, le brave Seth Grahame-Smith, auteur du roman “Abraham Lincoln, chasseur de vampires” (1). Il n’y a que cela qui pourrait expliquer comment lui est venue l’idée de transformer le légendaire président des Etats-Unis en ersatz de Van Helsing, et de réécrire “Nord & Sud” en version vampirique…
Et Tim Burton doit carburer aux mêmes drogues pour avoir accepté de produire l’adaptation cinématographique du bidule. Bon en même temps, ça ce n’est pas nouveau, on connaît depuis longtemps le goût du réalisateur d’Edward aux mains d’argent pour les choses étranges  ( et on ne va pas s’en plaindre !). On sait aussi, depuis son magnifique Ed Wood, qu’il aime les films de série Z aux scénarios improbables. Or le concept farfelu Abe Lincoln vs Vampires rappelle quelques sommets du nanar, tels que Billy the kid contre Dracula, Jesse James contre Frankenstein (tous deux signés par William Beaudine) ou Les Charlots contre Dracula.

Abraham Lincoln chasseur de vampires - 5

La différence, c’est que ces films-là étaient des films fauchés, bricolés par des cinéastes espiègles pour le plaisir d’un public d’initiés. Abraham Lincoln, chasseur de vampires est, lui, un blockbuster destiné à un large public et perd tout le charme de son point de départ cocasse en tentant de respecter son cahier des charges niveau action et effets visuels.
Le but est clairement d’en mettre plein les yeux au spectateur, avec moult attaques vampiriques effrayantes, combats épiques, fusillades et exposions, le tout en relief, avec une 3D qui fiche mal au crâne…

C’est sans doute pour cela que la production a fait appel à Timur Bekmambetov pour assurer la mise en scène du film.
Le choix d’un réalisateur russe pour diriger une épopée ultra-patriotique américaine pouvait de prime abord sembler un tantinet curieux, mais Bekmambetov est connu et reconnu pour sa maîtrise des scènes d’actions spectaculaires (le diptyque Nightwatch/Daywatch, Wanted).
Soyons francs, le bonhomme possède un certain talent, et il faut reconnaître que certaines séquences sont terriblement efficaces. Le problème, c’est que Bekmambetov ne se renouvelle pas vraiment. Il use et abuse des mêmes effets de ralentis, de “bullet time” et de montage ultra-nerveux. C‘était justifié dans Wanted, pas ici… Au début, on trouve cela amusant, mais on se fatigue très vite et on a alors tout loisir de constater à quel point l’image est moche – une image numérique toute terne que le port de lunettes 3D n’arrange pas, il est vrai… – et les effets spéciaux bâclés – la scène finale, beurk…

Abraham Lincoln chasseur de vampires - 3

Restent les acteurs, qui font ce qu’ils peuvent pour garder leur sérieux malgré le côté risible de ce qu’ils doivent tourner.
Benjamin Walker, raide comme un i et souriant comme croque-mort, est plutôt convaincant dans le rôle-titre. Tout comme Rufus Sewell, qui parvient à donner à son personnage de “méchant” le charisme et la morgue aristocratique du chef-vampire.
Mary Elzabeth Winstead est toujours aussi ravissante, mais elle doit se contenter d’une fonction de potiche qui ne sied pas vraiment à son rang de “Scream queen”.

Bref, tout cela ne casse pas trois patte à un canard, ni même à une chauve-souris, mais on ne pouvait pas s’attendre à des miracles d’un film au concept aussi fumeux. Mais le pire, c’est que cela risque de faire un gros score au box-office et de donner lieu à des suites. On imagine déjà les titres : “JFK contre les cochons mutants castristes”, “Dick Nixon contre les vietcongs zombis”, “George Bush contre le loup-garou de Bagdad – un diptyque”…  

(1) : “Abraham Lincoln, chasseur de vampires” de Seth Grahame-Smith – coll. Horreur – éd. Eclipse
Le bonhomme est aussi l’auteur de “Orgueil et préjugés et zombis”, un remix du roman de Jane Austen avec des morts-vivants! Complètement barré, le type…

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Abraham Lincoln chasseur de vampiresAbraham Lincoln, chasseur de vampires
Abraham Lincoln, vampire hunter

Réalisateurs : Timur Bekmambetov
Avec : Benjamin Walker, Rufus Sewell, Mary Elzabeth Winstead, Dominic Cooper, Jimmi Simpson, Marton Csokas
Origine : Etats-Unis
Genre : N’importe nawak
Durée : 1h45

Date de sortie France : 08/08/2012
Note pour ce film :

contrepoint critique chez : Le Monde 
(leur critique doit aussi prendre des trucs pas nets…)
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1 COMMENT

  1. Le roman est une des uchronies les plus sympathique qu’il m’ait été donné de lire ces dernières années. Reste que le film se voit amputé d’une bonne partie du matériau (notamment ce qui concerne l’accession au pouvoir de Lincoln, ses relations avec ses sidekick et l’importance de ceux-ci), pour se concentrer davantage sur l’action (et pas toujours de la meilleure façon, comme le montre la scène des chevaux). Au final, le film reste amusant si on le prend pour ce qu’il est : un popcorn movie sans prétentions : http://www.vampirisme.com/film/bekmanbetov-abraham-lincoln-chasseur-de-vampires-2012/

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