Quand est sorti, en 2000, le très bon Scènes de crime, on pensait assister à l’éclosion d’un metteur en scène de talent, Frédéric Schoendoerffer. Mais depuis, le bonhomme semble s’ingénier à tout faire de travers en nous livrant des oeuvres de plus en plus mauvaises. On a dû subir l’ennuyeux Agents secrets, le calamiteux Truands – où il avait réussi la prouesse de faire jouer faux l’excellent Philippe Caubère –  et le non moins nanardesque Switch, à l’intrigue grotesque. Autant dire qu’on n’attendait pas grand chose de son nouveau long-métrage, 96 heures. Mais on se disait quand même qu’en capitalisant sur l’opposition de ces deux bons acteurs que sont  Gérard Lanvin et de Niels Arestrup, il ne pouvait pas faire pire que ses deux opus précédents.
Et pourtant…

96 heures - 2

Le début tient à peu près la route, c’est vrai…
Passée une scène introductive assez pénible où le commissaire Gabriel Carré (Lanvin) fait répéter l’oral de l’examen d’officier de police à sa jeune collègue (Sylvie Testud, égarée), l’action commence illico. Le flic est attaqué à son domicile par trois hommes armés. Sa femme (Anne Consigny) est gardée en otage pendant qu’il doit aider le gang à faire sortir de prison leur leader, Victor Karel (Niels Arestrup), qu’il avait coincé trois ans plus tôt pour braquage.
Une fois le malfrat libéré, Carré est emmené dans une villa isolée en banlieue parisienne. De gré ou de force, Karel veut lui faire cracher le nom de celui qui l’a dénoncé à la police et l’a conduit derrière les barreaux.
Comme Carré refuse de balancer son indic et essaie de tromper l’ennemi avec des noms bidons, l’affrontement psychologique s’intensifie et la tension promet d’aller crescendo.

96 heures - 3

Bon, on se dit quand même que ces gangsters ne sont pas très futés. Puisqu’ils détiennent l’épouse du flic et peuvent facilement kidnapper sa fille, ils pourraient très bien menacer de leur faire du mal et forcer ainsi le flic à parler. Mais bon, les malfrats n’ont pas tous un QI einsteinien, hein…
De toute façon, Carré est persuadé que quelqu’un d’autre de bien plus intelligent a mis au point son enlèvement et cette petite mascarade. Qui? On ne le saura jamais, le scénario oubliant ensuite ces réflexions métaphysique, comme il abandonnera aussi en cours de route le personnage de l’épouse de Gabriel, qui, du coup, ne sert pas à grand chose…
Mais bon, admettons… Ce n’est qu’un détail… Idem pour le fait que deux des malfrats, deux frangins qui, au vu de leur accent slave prononcé, viennent d’un pays de l’est, se parlent en français y compris quand ils ne sont que tous les deux. Ah! Il faut bien que le spectateur comprenne. Et les sous-titres, ça coûte cher, mon bon monsieur… Là encore, ça passe…

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Mais ça commence à déraper sérieusement au bout d’une demi-heure.
Sans doute parce que le budget n’est plus suffisant, le réalisateur multiplie les placements de produits, de façon si peu discrète que cela en devient ridicule Un exemple ? : Un des truands qui déclare qu’il “n’y a plus de Sprite…”, la mine contrite… Ou Niels Arestrup qui pique une colère parce qu’il n’a plus de whisky à boire, non sans montrer l’étiquette portant la marque du produit.
L’absence dudit breuvage ne l’empêche pas de se lancer dans une incroyable tirade sur l’évolution et le rapport de l’homme à la propriété privée. Une réplique totalement grotesque qu’il parvient à déclamer sans perdre de sa superbe. Chapeau l’artiste, cela mériterait bien un nouveau César à sa collection!
Lanvin, pendant ce temps, semble s’emmerder à mourir et joue de façon totalement neutre – ou blasée, selon les points de vue.

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Arrive enfin le clou du spectacle. Cyril Lecomte, qui incarne Castella, l’avocat de Karel. Là, plus de doute permis, il n’y a plus de budget. Sinon, comment expliquer que la production ait engagé un acteur qui joue aussi faux? Le pauvre Lecomte semble mal à l’aise dans le costume trois pièces de l’avocat. Il appuie chaque réplique, minaude comme ce n’est pas permis. Est-ce un parent de Schoendoerffer, qui nous avait déjà infligé son exécrable frangin dans Truands? Un ami? Non, un ami n’aurait pas ruiné son film de cette façon…
Et non seulement le bonhomme joue mal, mais en plus, il n’est pas gâté par le scénario, qui lui impose des scènes d’une nullité sidérale.
“Où sont les waters?” demande-t-il soudain.
”Au fond du couloir”, rétorque un gangster, preuve que les dialogues sont au top.
Là, un autre truand (Slimane Dazi, un des rares à surnager avec Arestrup), vient lui demander d’aider sa soeur, qui s’est faite rouler par une agence de voyage. ??? Sérieusement???

Sans doute conscient du danger que faisait planer le gars sur la crédibilité de l’intrigue, Arestrup le bute, tout en mangeant tranquillement un paquet de fraises Tagada (Haribo, c’est bô la vie…). Ceci n’empêche pas le scénario de virer au grand n’importe quoi, accumulant les twists idiots et les situations les plus absurdes.  Par exemple, si vous êtes flic et que vous vous déplacez en voiture (Peugeot, motion & emotion…), vous oubliez de faire le plein… Et quand vous découvrez l’endroit où est retenu votre supérieur, vous n’appelez surtout pas de renforts, vous y allez seul…

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Vous l’aurez compris, 96 heures est un film d’une nullité absolue. Au vu de la vacuité des situations et des personnages (mention spéciale pour les rôles féminins, totalement sacrifiés), on se demande pourquoi d’aussi bons comédiens ont accepté de jouer dedans. L’amour du risque? Un pari perdu? Ou tout simplement, une blague pour leurs admirateurs?
On retiendra la dernière option, par pure charité. Car il faut quand même avouer que le film, au dixième degré, est assez tordant. Il provoque le rire comme seuls les grands nanars peuvent le faire.

Au terme de ces 96 heures de garde à vue, on n’a qu’une envie : mettre Frédéric Schoendoerffer en examen pour culture illégale de navets toxiques, détournement de bons acteurs, coups et blessures au polar et outrage au cinéma. Et espérer qu’il sera interdit de caméra, histoire de ne plus polluer les écrans avec ses longs-métrages affligeants.

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96 heures 96 heures
96 heures

Réalisateur : Frédéric Schoendoerffer
Avec : Niels Arestrup, Gérard Lavin, Laura Smet, Sylvie Testud, Anne Consigny, Slimane Dazi, Cyril Lecomte
Origine : France
Genre : Nanar Tagada
Durée : 1h36
Date de sortie France : 23/04/2014
Note pour ce film :
Contrepoint critique : A voir à lire

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