De qui ça parle ?
Comme le titre l’indique, de Monica (Trace Lysett), jolie femme d’une trentaine d’années, mais sur qui semble peser un profond sentiment de solitude.
On comprend que sa vie privée est compliquée. Elle s’accroche à un homme qui l’a quittée et qui semble désormais vouloir la garder à distance. Pour le reste, elle ne semble pas avoir d’amis ou de famille, peu de contacts sociaux, hormis les clients qu’elle accueille dans son salon de massage ou ceux qu’elle aguiche lors de shows privés sur internet.
Un soir, elle reçoit un appel qui vient la bouleverser et remuer de vieux souvenirs. Elle apprend que sa mère Ginnie (Patricia Clarkson) est en train de décliner et qu’il ne lui reste peut-être plus que quelques semaines à vivre. Son frère et sa belle-soeur l’invitent à passer quelques jours auprès de la vieille dame et, peut-être, renouer des liens avec elle tant qu’il est encore temps. Car Monica n’a pas revu ses proches depuis plusieurs années, probablement après une querelle avec ses parents. Bien qu’hésitante, elle finit par prendre la route et vient s’installer dans la maison de son enfance. Mais sur place, sa mère ne la reconnaît pas. Monica décide de ne pas lui révéler son identité, mais de rester à son chevet.
Pourquoi on est carré-ment sous le charme?
La grande force de ce film, c’est sa faculté à faire ressentir les choses de façon subtile, sans chercher à tout expliquer, tout justifier, sans s’appuyer sur de longs dialogues ou des performances d’acteurs démonstratrices et bien sûr, sans verser dans le mélodrame larmoyant, malgré un sujet délicat.
On découvre Monica, peu à peu, par petites touches successives. Les indications concernant le personnage sont rares. Juste quelques appels qu’elle passe sur son téléphones, quelques regards perdus, quelques gestes ou attitudes… Ces indications ne sont jamais réellement verbalisées. Elles reposent exclusivement sur ce que le spectateur peut ressentir face au flux des images, aux émotions qu’elles véhiculent. Ou sur les indices disséminés ça et là, comme les pièces d’un puzzle psychologique à reconstituer. Par exemple, les raisons pour lesquelles Monica a rompu avec ses proches ne seront jamais totalement verbalisées, mais elles apparaîtront assez évidentes, au fil de l’avancée du récit et des rares lignes de dialogues lâchées par les personnages.
Dans la même idée, le film ne montre pas la grande scène de retrouvailles mère-fille qui, avec un tel sujet, aurait servi de point d’orgue à un gros mélodrame hollywoodien. Jamais il n’est clairement exprimé que Ginnie reconnaît son enfant. Mais à un moment, cela devient évident grâce à une attitude, un regard qui s’illumine, une étreinte filmée en plan très rapproché et une simple question de la vieille dame : “Est-ce que tu vas bien?”.
Le choix de filmer avec un format d’image carré est déterminant dans ce procédé. Déjà, il permet de placer le personnage de Monica au centre de l’écran et de ne quasiment plus le lâcher, d’un bout à l’autre du récit, empêchant aussi des éléments de décor de venir détourner l’attention du spectateur de ce qui est réellement important, les variations de visages, des corps, trahissant les émotions, les signes de tendresse ou de désarroi.
Dans la première partie du récit, ce cadre spécifique aide à donner une impression d’isolement et de solitude quand Monica apparaît seule à l’écran. Dans la seconde partie, où elle cohabite avec les autres personnages, les images accentuent au contraire la sensation d’un rapprochement, aussi bien physique que psychologique, et l’émotion qui naît de ces séquences est également fortement amplifiée, réussissant à nous toucher en plein coeur.
Andrea Pallaoro avait utilisé le même procédé dans Hannah, autre magnifique portrait de femme qui tenait autant à l’interprétation de Charlotte Rampling qu’aux sensations communiquées par cette mécanique ultra-précise. Ici, la méthode semble s’être encore affinée; La mise en scène est épurée à l’extrême et le découpage du film est d’une précision remarquable.
Le réalisateur italien persévèrera probablement dans ces choix de mise en scène radicaux, puisque Monica est, après Hannah, le second film d’une trilogie autour de personnages féminins. On ne peut que l’encourager, car il affirme de film en film (son premier long-métrage, Medeas était également très réussi), une véritable signature artistique et il se singularise par sa différence. Pour le meilleur, car Monica restera assurément comme l’un des films les plus émouvants de la Mostra de Venise 2022.
L’autre intérêt du film, ce sont les performances (quasi-mutiques, donc) de Patricia Clarkson, bouleversante en vieille femme à bout de course, et de Trace Lysett, qui nous était jusqu’alors parfaitement inconnue. Elle irradie à l’écran, simplement par sa présence et ses regards perdus, avec ses faux airs de la grande Anna Thomson. On lui souhaite la même popularité auprès des cinéphiles que l’actrice de Sue, perdue dans Manhattan, et une carrière un peu plus longue.
Pronostics pour le palmarès ?
La proposition de cinéma d’Andrea Pallaoro est très différente de la démonstration technique d’un Iñarritu ou les plans-séquences énervés de Romain Gavras, mais elle n’en est pas moins d’une redoutable efficacité. Alors, pourquoi pas un prix de la mise en scène?
Ou un autre prix prestigieux, peut-être, même si la compétition pour le Lion d’Or s’annonce féroce, entre les films déjà montrés et les oeuvres à venir.
Trace Lysett doit être vue comme une postulante crédible au prix d’interprétation féminine ou au Prix Marcello Mastroianni.
Contrepoint critiques :
”11 minuti e mezzo di applausi per Monica il meraviglioso film di Andrea Pallaoro . Viva il grande cinema!”
(@valedenina sur Twitter)
“Andrea Pallaoro’s third film fails to hold the audience’s attention, relying too heavily on things left unsaid and a soporific pace”
(Davide Abbatescianni – Cineuropa)
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