De quoi ça parle ?
D’un fait divers ayant défrayé la chronique dans les années 1960 en Angleterre. Mais un fait divers plutôt amusant et rocambolesque : le vol d’un tableau de Goya, le portrait du Duc de Wellington, par Kempton Bunton (Jim Broadbent), un citoyen anglais en colère contre le gouvernement et en croisade pour l’abolition de la redevance télévisuelle pour les retraités les plus pauvres !
Plus que le vol lui-même, qui n’a rien d’un casse façon Ocean’s eleven, le film relate surtout le procès qui a suivi et s’intéresse aux relations tumultueuses entre Kemper et son épouse (Helen Mirren).
Pourquoi on anoblit le film ?
Déjà parce qu’il s’agit d’une comédie et qu’au milieu d’œuvres de festival montrant les côtés les plus vils du genre humain, un peu de gaité et d’optimisme ne peut pas faire de mal. Surtout s’il s’agit d’une comédie réussie, lumineuse et piquante, portée par des dialogues savoureux et des numéros d’acteurs irrésistibles. Jim Broadbent est formidable dans la peau de ce vieil anarchiste décidé à faire plier les puissants. Helen Mirren, dans un rôle un peu plus austère, est elle aussi impeccable et semble plaisir à asséner des répliques vachardes à à ses partenaires.
Ensuite parce que c’est toujours réjouissant de voir l’outsider faire plier le favori, de voir David battre Goliath ou Robin des Bois ridiculiser le Shérif de Nottingham. Ici, personne n’aurait misé un shilling sur Kempton Bunton, pas même ses avocats, qui pensaient que le vieil homme serait lourdement puni pour son crime de lèse-majesté, fût-elle peinte sur une toile… Mais l’avantage d’une loi, c’est qu’elle peut-être réinterprétée, tordue jusqu’à prendre une forme favorable. Bunton a commis un vol? Plutôt un emprunt, puisqu’il a ramené lui-même la toile. Si le Royaume-Uni l’a achetée, elle appartient au pays, donc aux contribuables, non? Et en admettant que l’acte était bien délictueux, si le but de l’opération est le bien de la collectivité plutôt que l’enrichissement personnel, n’est-ce pas là une circonstance atténuante? L’enjeu du procès est de démontrer que Kempton Bunton a eu raison d’utiliser le tableau pour faire pression sur le gouvernement, car si ces derniers peuvent dépenser 140 000 Livres de l’époque pour acquérir une “croûte” aussi moche, ils ont bien les moyens d’aider les plus pauvres à tromper leur ennui devant la BBC. Le prétoire devient, pour Bunton, la scène dont il avait toujours rêvé. il fait le show devant un public acquis à sa cause et ridiculise totalement le procureur, pourtant réputé intraitable.
Enfin parce que cette drôle d’histoire offre une lueur d’espoir pour bien des combats sociaux, plus que jamais d’actualité dans nos sociétés contemporaines. Kempton Bunton a gagné une bataille en 1961, mais il n’aura jamais eu le plaisir d’en constater les effets. Ce n’est que quarante ans plus tard, au début des années 2000, qu’un gouvernement britannique abolira la taxe des retraités les plus modestes. Et l’embellie n’a été que de courte durée puisque le gouvernement conservateur de Theresa May a rétabli cette redevance en 2018…
Autres avis sur le film :
”I just watched #theduke and it was brilliant!!! the audience laughed and cheered for kempton bunton’s robin-hoodesque adventure”
(@fzzztsimons sur Twitter)
”Une comédie grand public qui devrait sans doute séduire largement.”
(Olivier Bachelard – Abus de ciné)
Crédits photos : images fournies par le site de la Biennale di Venezia