Jeunes filles en pleurs, cris, mouvements de foule… Le Lido de Venise était en effervescence aujourd’hui. La raison ? La présence sur le tapis rouge de l’héroïne de 50 nuances de Grey, Dakota Johnson et de Johnny Depp, aux bras d’Amber Heard, pour la projection de Black Mass de Scott Cooper, hors compétition.
Pas sûr que l’enthousiasme ait été aussi fort à la sortie de la séance, car Black Mass n’est pas un grand film. C’est un film de gangsters hyper classique, qui raconte l’ascension et la chute d’un caïd de South Boston en utilisant tous les poncifs du genre : Guerre des gangs, collusions et trahisons, explosions de violence subites, tout y est.
On ne peut pas dire que la mise en scène soit mauvaise. Scott Cooper a la bonne idée de s’inspirer du travail des maîtres du genre et cela donne quelques scènes efficaces. Le revers de la médaille, c’est qu’il n’y a absolument aucune originalité, ni dans le scénario, ni dans la réalisation, et que l’ennui s’installe très rapidement.
Cooper ne peut pas vraiment s’appuyer sur ses acteurs. Johnny Depp vole la vedette aux autres en faisant son numéro de cabotinage habituel : jeu minimaliste et utilisation de deux ou trois postiches pour camper le personnage. Chez Burton, ça passe mais ici, ça ne fonctionne pas vraiment…
Critiques en ébullition, discussions animées, avis tranchées. Francofonia, le nouveau film d’Alexandre Sokourov a fortement divisé les festivaliers.
Il est vrai que l’objet est atypique. Il s’agit à la fois d’une visite virtuelle du musée du Louvre, d’une fiction se déroulant pendant l’occupation nazie et articulée autour de la relation entre Jacques Jaujard, le conservateur du Musée et Franziskus Wolff Metternich, un gradé allemand chargé de préserver les oeuvres d’art des ravages de la guerre et d’une réflexion philosophique sur la sauvegarde du patrimoine. C’est aussi une réflexion plus large sur l’impérialisme – économique, culturel, politique – sur la Commmunauté Européenne, les régimes autoritaires, l’avenir des spécificités culturelles à l’époque de la mondialisation… C’est une oeuvre riche, subtile et intelligente mais qui nécessite un minimum d’implication du spectateur. Mais la forme n’aide pas à entrer dans le film, entre les scènes contemplatives, les saynètes jouées de façon théâtrales par les acteurs, les incursions saugrenues de Napoléon Bonaparte dans le récit (!) le spectateur a de quoi se sentir aussi perdu que le marin en pleine tempête avec qui Sokourov discute lors de la séquence introductive.
Oreilles qui saignent mais coeurs qui fondent, rires, larmes… Marguerite de Xavier Giannoli a conquis les festivaliers.
Le film, inspiré de faits réels, se déroule au début du XXème siècle et raconte l’histoire d’une riche baronne passionnée d’art lyrique. Marguerite Dumont (Catherine Frot, dans un des rôles de sa vie) utilise sa fortune pour donner à son domicile des concerts caritatifs en faveur des victimes de la Grande Guerre. Elle sait se montrer généreuse envers
les jeunes artistes qu’elle invite à chanter et les réceptions qu’elle organise sont très prisées par son cercle d’amis. Tout irait pour le mieux si elle ne chantait pas elle-même lors de ces concerts. Car la diva a une voix absolument épouvantable, du genre à briser les verres en cristal quand elle pousse dans les aigus. Personne ne supporte ses vocalises, mais son entourage n’ose pas lui avouer la vérité. Les problèmes commencent quand un jeune journaliste manipulateur l’incite à se produire devant un vrai public…
Débuté comme une comédie, le film de Xavier Giannoli se transforme peu à peu en un touchant portrait de femme. Dans son univers petit-bourgeois où les hypocrites côtoient les escrocs, Marguerite est la seule à être vraie et intègre. Elle chante comme une casserole, mais elle y met tout son coeur, toute son âme. C’est son moyen de tromper la solitude, d’exister un peu aux yeux d’un mari qui la délaisse, aux yeux des autres. Si, comme ses invités, on rit de ses performances vocales atypiques, on finit par être séduits par son opiniâtreté, par l’énergie qu’elle dépense pour se préparer pour son concert, et le film nous bouleverse.
A demain pour la suite de ces chroniques vénitiennes…