Les choses sérieuses commencent à la Mostra de Venise.
Au programme de cette deuxième journée de projections, des journalistes et des prêtres pédophiles, une famille en crise, des gangsters italiens, des enfants soldats, un Cht’i et une blonde…
La compétition officielle commence fort avec deux réussites.
D’abord, Beasts of no nation de Cary Fukunaga, qui suit le parcours d’un gamin africain dans un pays ravagé par la guerre civile. Lorsque son village est envahi par les forces gouvernementales, il n’a d’autre option que la fuite. Mais il est récupéré par le camp d’en-face qui n’est pas forcément plus sympathique. Il est formé par un groupe de rebelles pour devenir un enfant-soldat, destiné à violer, tuer et piller…
Le sujet n’est plus vraiment original car Beasts of no nation arrive après des films comme Johnny Mad Dog ou Ezra, qui sont structurés exactement de la même façon et reposent sur les mêmes problématiques. Cependant, le film, destiné à être diffusé directement à la télévision américaine, sera sans doute plus à même de sensibiliser le public américain à ce type de crime de guerre que les films précités. Et il bénéficie surtout de la mise en scène inspirée de Cary Fukunaga, qui multiplie les prises de vues saisissantes et les plans-séquences virtuoses.
Ensuite, Looking for Grace de Sue Brooks. Le scénario tourne autour d’une adolescente en quête d’émancipation, de ses parents en pleine crise conjugale et d’un détective octogénaire. Il traite du passage de l’adolescence à l’âge adulte, du passage de l’âge adulte au troisième âge, de premiers chagrins d’amour et de relation de couple compliquée, bref, de choses essentielles et universelles. Là encore, il n’y a à priori rien de follement original dans cette histoire, si ce n’est qu’elle est racontée de façon originale, par le biais d’une narration finement morcelée qui navigue constamment entre rires et larmes et rend le récit constamment imprévisible.
On retrouve aussi la patte singulière de Sue Brooks, qui sait filmer ses personnages à bonne distance, avec beaucoup de pudeur et de sensibilité, et tirer le meilleur de ses interprètes. Ce n’est peut-être pas un de ces films qui s’imposent instantanément comme des classiques du septième art, mais c’est un joli film, émouvant et drôle, qui laissera probablement un agréable sillon dans nos mémoires de cinéphiles.
Il y avait également du lourd hors compétition avec la projection de Spotlight.
Le nouveau film de Tom McCarthy relate l’enquête d’un groupe de reporters du Boston Globe sur de possibles abus sexuels commis par des prêtres pédophiles et sur les tentatives de l’Eglise Catholique d’étouffer ces affaires embarrassantes. D’abord focalisés sur les agissements d’un ou deux prêtres, ils réalisent peu à peu que ces pratiques pédophiles ont impliqué près de quatre-vingt dix prêtres dans la seule ville de Boston et que les dignitaires de l’Eglise Catholique ont tout fait pour étouffer ce scandale.
La forme est on ne peut plus classique. Dans le style des films-enquêtes américains des années 1970, le cinéaste montre le patient travail d’investigation mené par les journalistes (Michael Keaton, Mark Ruffalo, Rachel McAdams), leur frustration face aux pressions de leur hiérarchie, au manque de coopération des autorités religieuses et des avocats des victimes et d’une manière générale, au conservatisme en vigueur dans la ville de Boston, où l’Eglise Catholique est très influente.
Le fond, lui, est passionnant. Car si on connaissait déjà ce problème de pédophilie au sein de l’Eglise et le silence complice des autorités religieuses, on ne réalisait pas forcément l’ampleur du scandale. Et sans doute n’est-ce là que la partie émergée de l’iceberg…
L’évènement de cette seconde journée était l’hommage rendu par le festival à Jonathan Demme, réalisateur de films tels que Silence des agneaux, Philadelphia ou Rachel se marie. Le cinéaste américain s’est dit très ému de recevoir un prix de la part de la Mostra de Venise, un festival mythique pour les cinéphiles du monde entier, auquel il a beaucoup rêvé lorsqu’il était jeune cinéaste. Il est très impliqué dans cette 72ème édition, puisqu’il préside la section Orizzonti.
Et il a bien du courage, parce que le niveau des films du jour n’avait rien de réjouissant…Italian gangsters est un film expérimental qui consiste en une histoire de truands italiens racontée face caméra par une poignée d’acteurs et illustrée par des séquences de vieux classiques du genre. L’idée n’est pas mauvaise en soi, mais pour un court-métrage ou une petite portion de film, pas pour un film d’une heure et demie… Nous avons tenu vingt minutes avant d’être vaincus par l’ennui…
Le film brésilien Boi neon de Gabriel Mascaro ne semble pas avoir suscité un fol enthousiasme non plus. On nous a parlé d’un film ennuyeux et poseur, sans âme et sans grand intérêt. Ca donne envie…
Dans le cadre des Giornate degli autori, les festivaliers ont pu découvrir Lolo, le nouveau film de Julie Delpy avec Dany Boon. Apparemment, il a reçu un bel accueil, comme le duo, qui s’est montré très disponible pour jouer le jeu des selfies et des autographes et a été très applaudi par le public vénitien.
A demain pour la suite de ces chroniques vénitiennes.