La 72ème Mostra d’Arte Cinematografica touche à sa fin. Les films projetés ressemblent à des fins de stock, des oeuvres que les programmateurs ne savaient pas trop où caser parce que trop atypiques ou trop faibles par rapport au reste de la sélection.
En compétition, les festivaliers ont ainsi pu découvrir Per amor vostro de Giuseppe M. Gaudino, un film qui parle d’un couple en crise (pour changer…), de foi et de prêts usuraires illégaux, qui offre à Valéria Golino un des plus beaux rôles de sa carrière et qui contient d’étranges séquences oniriques, plastiquement superbes.
Le film aurait donc pu être une belle réussite, mais le problème, c’est que l’ensemble ne fonctionne pas correctement. Per amor vostro est un peu trop long et la mise en scène semble trop chichiteuse au vu de l’intrigue. On a le sentiment d’un trop plein d’images et de sons. D’un trop plein de stéréotypes, également, qui finit par perdre en route des spectateurs.
Behemoth nous semble d’un tout autre calibre, et un candidat sérieux au Lion d’Or, si toutefois le jury se montre sensible au cinéma d’Art & Essai pur et dur. Car le film du chinois Liang Zhao est une épreuve pour le spectateur. Il s’agit d’un documentaire sur l’exploitation minière en Chine, sans voix-off pour nous guider, si ce n’est, par moments, celle d’un mystérieux narrateur qui cite des passages de “L’Enfer” de Dante et compare les industriels chinois au monstre biblique Béhémoth, à l’appétit sans limite. La forme narrative est donc assez âpre, et le rythme adopté, contemplatif, n’arrange rien, surtout en fin de festival, avec la fatigue accumulée et plus de quarante longs-métrages à digérer. Mais le film reste captivant de bout en bout. Il fascine de par la beauté de ses plans et la force de son propos. On n’oubliera pas de sitôt les visages fatigués des migrants travaillant dans les mines de charbon, les mains couvertes d’ampoules et de copeaux d’or fin des travailleurs dan les exploitation aurifères, le ballet des machines qui creusent la terre de plus en plus profondément, laissant de moins en moins de place aux bergers dans les steppes de Mongolie…
On oubliera très vite, en revanche, Go with me de Daniel Alfredson.
Julia Stiles y incarne Lillian, une jeune femme qui est revenue s’installer dans sa ville d’origine, au nord-est des Etats-Unis et qui est depuis harcelée par Blackway (Ray Liotta), la terreur locale. Le shérif reste passif, comme les notables de la ville, qui n’ont pas de conseil à lui donner, si ce n’est celui de vendre sa maison et de retourner d’où elle vient. Tous ont peur de Blackway et se refusent à intervenir. Les seuls qui acceptent d’aider Lillian sont Lester (Anthony Hopkins), un septuagénaire fatigué, et Nate (Alexander Ludwig), un jeune bègue un peu gauche. Le trio part à la recherche de Blackway, décidé à lui faire entendre raison, par la force s’il le faut…
L’idée de départ était plutôt bonne : Utiliser les codes du western pour raconter une histoire s’apparentant plutôt au film noir et au thriller. Mais le film manque cruellement d’intensité et de tension. Le rythme est lent et rien ne vient vraiment dynamiser le récit. Si encore le cinéaste réussissait à créer une ambiance particulière ou développait un peu mieux ses personnages, on pourrait lui pardonner ce manque de rythme. Mais ce n’est pas le cas, hélas.
On attendait beaucoup plus de la part du réalisateur de Morse et on attendait également mieux de la part des sélectionneurs de la Mostra pour dynamiser un peu cette fin de festival.
Autre déception : A copy of my mind de Joko Anwar, présenté dans la section Orizzonti.
Bon, le mot “déception” est un peu fort. Nous sommes juste sortis de la salle un peu frustrés parce film, très différent de celui auquel on aurait pu s’attendre. Le cinéaste indonésien s’était fait spécialiste de films fantastiques étranges, tourmentés et complexes. Il change ici radicalement de registre avec cette sorte de chronique sociale toute simple, articulée autour de la rencontre entre une jeune esthéticienne et un garçon vivotant du sous-titrage de DVD pirates. Ici, pas d’effets de mise en scène alambiqués, pas d’expérimentations narratives, juste un film tout simple, linéaire, qui prend son temps de s’intéresser à ses deux personnages principaux.
Certains trouveront sans doute cela un brin ennuyeux et regretteront le Joko Anwar énervé de Kala ou de Modus Anomali. Mais en même temps, on ne peut pas reprocher au cinéaste de chercher à évoluer. Ce nouveau long-métrage démontre que son art de la mise en scène peut aussi s’appliquer à d’autres choses que des films de genre et donner lieu à de superbes séquences, comme celle où les deux personnages principaux dansent sur la chanson qui donne son titre au film.
Dernier film présenté dans la section Orizzonti, Free in deed ne nous a pas non plus emballés.
Il décrit les tentatives d’une communauté pentecôtiste de Memphis pour soigner un petit garçon atteint d’autisme, d’abord à l’aide de prières, puis, la situation ne s’arrangeant pas, d’un exorcisme. Les personnages sont assez attachants, mais le cinéaste Jake Mahaffy ne s’intéresse pas suffisamment à eux. Il passe plus de temps à filmer des scènes de prêche et de cérémonies de salvation qui, redondantes et étirées jusqu’à plus soif, finissent par lasser le spectateur. Amen.
A demain pour la suite et la fin (déjà) de ces chroniques vénitiennes…