The MonkeyLe titre, The Monkey, fait référence à un jouet existant, un singe automate dans la lignée des “Jolly Chimp”(1), comme celui que l’on voit dans  Toy Story 3, Rencontres du 3ème type ou Le Limier.
Sauf que ce primate-là semble un peu plus imposant que l’original. Il ne joue pas des cymbales, mais de la batterie (2). Et surtout, c’est le genre de joujou qu’il vaut mieux éviter de se faire livrer par le Père Noël . Il a peut-être l’air inoffensif, comme ça (si l’on excepte son regard fou et ses dents inquiétantes), comparé à Chucky et Annabelle, mais il lui suffit d’un coup de tambour pour provoquer des catastrophes et des morts atroces. A côté, la faucheuse de Destination finale est une stagiaire de 3ème…
On en a un aperçu dès le début du film. On suit un homme qui entre dans un magasin de jouets pour restituer le singe en question dont il a perçu le côté maléfique. Le vendeur essaie alors de tourner la clé pour vérifier si le jouet fonctionne toujours. Fatale erreur! Le primate commence à battre la mesure et provoque une réaction en chaîne qui se termine en mort horrible. Ah, il fallait des tripes pour oser toucher à la bête! Effectivement, il en avait…
Le client essaie alors de faire disparaître le jouet maléfique, mais on comprend vite qu’il n’y est pas parvenu. Il est porté disparu et a laissé derrière lui sa femme (Tatiana Maslany) et leurs deux jumeaux, Hal et Bill (Christian Convery).
En fouillant dans les affaires de leur père, les deux gamins tombent sur une boîte renfermant l’automate infernal, en meilleur état qu’il ne devrait. Evidemment, l’un d’eux ne peut s’empêcher de tourner la clé, provoquant une nouvelle – et savoureuse – mort accidentelle. Et quand les cadavres commencent à s’accumuler à chaque coup de clé, les deux gamins décident de se rendre à l’évidence. Le singe est responsable de toutes ces catastrophes et est donc une menace pour leur environnement immédiat, mais aussi pour l’humanité. Ils mettent leurs différends de côté et se débarrassent pour de bon du jouet maléfique.
Mais 25 ans plus tard, le singe refait surface dans la petite ville du Maine où Hal et Bill ont grandi, après les drames qui ont émaillé leur enfance. Hal (Theo James), qui avait prévu de passer quelques jours avec son fils Petey (Colin O’Brien), se voit obligé de revenir sur place pour régler le problème. Mais cela ne va pas être une partie de plaisir pour eux…

Pour le spectateur, si. Enfin, à condition d’aimer le cinéma horrifique gore à souhait, l’humour noir et les destins cruels.
Après avoir terrifié les spectateurs avec son thriller étrange et malsain, Longlegs, Osgood Perkins joue cette fois la carte de la comédie horrifique. Si les morts des personnages se succèdent et sont plus répugnantes les unes que les autres (le cadavre “tarte aux cerises” vaut son pesant de noyaux…), elles ont aussi quelque chose de vraiment comique, grâce à la mécanique improbable qui conduit à la catastrophe. Le trépas de la pauvre Tante Ida (Sarah Levy), qui repose sur un enchaînement de quatre accidents, en est l’un des meilleurs exemples. Mais d’autres sont tout aussi cruelles et amusantes, de par leur côté incongru. Ah, il se passe de drôles de choses dans le Maine… Mais cela, tous les lecteurs de Stephen King le savent déjà, puisque c’est dans cet état que se déroulent la plupart de ses romans.
C’est d’ailleurs une de ses nouvelles qui a servi de base au scénario de The Monkey (3). Mais le travail d’Oz Perkins a justement été de retravailler le matériau original pour en faire quelque chose de moins sérieux, moins sombre et plus spectaculaire, porté par un léger vent de folie qui a enthousiasmé l’écrivain américain, généralement très critique avec les films tirés de ses romans (4).
Perkins a apporté une bonne dose d’humour macabre, mais aussi quelques moments de comédie étrange – la première oraison funèbre du prêtre, sans queue ni tête, et quelques clins d’oeil amusants à l’histoire de sa propre famille. En découvrant la silhouette de la maison de tante Ida, difficile de ne pas penser à celle de Norman Bates dans Psychose (un personnage incarné par Anthony Perkins, père du cinéaste). Idem quand un motel devient le lieu de scènes horribles, une piscine remplaçant la douche. La disparition cruelle et abrupte de Loïs, la mère des jumeaux, évoque aussi celle de la mère du cinéaste, Berry Berenson, qui se trouvait dans l’avion qui s’est crashé contre le World Trade Center, le 11 septembre 2001. La profession du père des jumeaux, pilote d’avion, peut aussi être vu comme une allusion à cette disparition tragique.

Il est de toute façon beaucoup question de liens familiaux dans ce récit. Davantage que dans la nouvelle originale. Oz Perkins a déjà cherché à explorer les relations entre les deux frères et en faire l’un des moteurs de l’intrigue. Bill, aîné de quelques minutes, a l’ascendant sur Hal. Il ne cesse de l’humilier et le rabaisser et c’est probablement ce harcèlement permanent qui provoque l’apparition du singe au sein du foyer. Les évènements exacerbent les tensions entre les deux enfants et, paradoxalement, les rapprochent en même temps. Outre la relation d’amour/haine entre Hal et Bill, il est aussi question de la relation distante que Hal entretient avec son fils, Petey. A la naissance du garçon, Hal s’est séparée de sa compagne et il n’a plus revu son fils qu’une fois par an, ne permettant pas vraiment de nouer des liens très forts. Le périple qu’ils entreprennent est sans doute la dernière occasion d’établir une complicité. On devine que Hal s’est tenu à distance de Petey non par désamour ou désintérêt. Au contraire, il a pris ses distances pour ne pas risquer de mettre en danger l’enfant au cas où le singe ferait son retour dans leurs vies, ou peut-être pour ne pas lui transmettre ce qu’il voit comme une malédiction familiale. Sans doute son père a-t-il procédé de la même façon, même si on ne sait pas vraiment s’il a disparu volontairement ou s’il a été victime du singe funeste. Toute la question est de savoir s’il vaut mieux se cacher loin de tout par crainte des conséquences pour sa vie ou celle de ses proches ou s’il faut au contraire en profiter tant que c’est possible, en apprivoisant ses peurs. La clé (de la question, pas de l’automate) est sans doute donnée par Loïs qui dit à ses garçons, après un enterrement, que tout le monde finit par mourir un jour. Alors, inutile de s’en faire. Il faut continuer à avancer, continuer à danser.

On danse donc, de joie, face à cette série B efficace, qui a la patine des meilleurs films horrifiques des années 1980. D’autant que la mise en scène d’Osgood Perkins est bien plus ambitieuse que celle des tâcherons habituels. Il y a quelques jolis plans-séquences, des effets horrifiques inventifs et une ambiance singulière, une patte que l’on ressentait déjà dans Longlegs. Le père du cinéaste, qui restera à jamais une figure marquante du cinéma d’épouvante grâce au film d’Hitchcock précité, serait sans doute fier de voir son fils reprendre le flambeau, derrière la caméra. On attend en tout cas avec impatience ses prochains films, maintenant qu’il a confirmé son talent d’auteur et sa capacité à mener ses acteurs… à la baguette.

(1) : Jouet créé la société Louis Marx & Co.
(2) : En fait, le singe de la nouvelle de Stephen King était bien un singe jouant des cymbales. Mais Disney a acheté les droits, justement dans le cadre de Toy Story, ce qui a poussé l’équipe à créer cette variante, entre Koko et Bonzo.
(3) : “The Monkey”, publié dans le recueil “Brume” de Stephen King – éd. Le Livre de Poche
(4) :
Commentaire de Stephen King sur le réseau social Threads


The Monkey
The Monkey

Réalisateur : Osgood Perkins
Avec : Theo James, Colin O’Brien, Tatiana Maslany, Elijah Wood, Christian Convery, Rohan Campbell, Sarah Levy, Osgood Perkins
Genre : Comédie gore maligne comme un singe
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h38
Date de sortie France : 19/02/2025

Contrepoints critiques :

”L’ensemble, imprévisible mais pas tout à fait satisfaisant au plan de l’écriture des personnages (l’aîné n’est qu’une petite boule de rage mâtinée de folie vengeresse), n’est pas parfait mais parfaitement méchant.”
(Augustin Pietron-Locatelli – Télérama)

”D’un pur point de vue récréatif, les accès de violence graphique se révèlent plutôt réussis [mais] le réalisateur les distribue assez sporadiquement, jusqu’à un épilogue pourtant aguicheur sur les possibilités offertes par The Monkey. Dommage, ce sera peut-être pour la prochaine fois car pour l’instant le constat est là : c’est pas terrible !”
(Charley – L’info tout court)

Attention, comme souvent la bande-annonce en dévoile un peu trop…

Crédits photos : Copyright Metropolitan FilmExport

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Rédacteur en chef de Angle[s] de vue, Boustoune est un cinéphile passionné qui fréquente assidument les salles obscures et les festivals depuis plus de vingt ans (rhôô, le vieux...) Il aime tous les genres cinématographiques, mais il a un faible pour le cinéma alternatif, riche et complexe. Autant dire que les oeuvres de David Lynch ou de Peter Greenaway le mettent littéralement en transe, ce qui le fait passer pour un doux dingue vaguement masochiste auprès des gens dit « normaux »… Ah, et il possède aussi un humour assez particulier, ironique et porté sur, aux choix, le calembour foireux ou le bon mot de génie…

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