TOU DOUM !
Bienvenue sur votre profil Netflix… et même méga-bienvenue, car, en tant que bédéphiles, quel plaisir d’y découvrir 2 nouvelles séries inspirées par notre média préféré : Daybreak et Le Voisin.
La première nous arrivant tout droit des US, c’est sans grande surprise que l’on découvrira un produit formaté « blockbuster », au packaging clinquant : images flashies de beaux ado’ skateurs combattant des zombies au katana sur fond de musique pop, hymne à la coolitude saupoudrée d’humour, d’action et même de 2-3 love stories !
Ouaip, pour du post-apo’, on est loin d’un Mad Max ! Après, c’est pas forcément désagréable non plus, hein, surtout que 2-3 p’tites choses pas dégueu’ sont tentées à la réal’ et que les acteurs bénéficient d’un bon potentiel sympathie, mais avouons-le : rien de bien original sous le soleil nucléaire ! Un manque d’originalité d’autant plus étonnant lorsqu’on connait la BD dont est tirée la série : réalisé par Brian Ralph – artiste connu et reconnu dans le monde de l’art underground US – Daybreak est un comics indé pur jus, nous offrant une approche des plus singulières du classique récit post-apocalyptique. Dès la première page, cet album nous surprend : optant pour un récit à la première personne, les cases seront « en vue subjective » et les protagonistes s’adresseront directement à nous, lecteurs. Ainsi, au début de la lecture, une sensation étrange s’installe, comme si nous nous réveillions dans un monde dévasté, paumé et sans trop savoir de quoi il retourne, et acceptions alors de suivre cet hôte étrange, au bras amputé et vêtu de haillons, nous guidant au travers un tas de débris tout en nous mettant en garde contre… contre quoi exactement, d’ailleurs ? Et devons-nous vraiment faire confiance à cet hôte ? Après tout, on n’a pas le choix : l’aventure avance, et nous avec, trimbalés entre morts-vivants et vivants qui aimeraient bien nous voir morts, découvrant au compte-gouttes à quelle sauce (périmée, forcément) nous allons être mangés ! Un choix de narration judicieux qui nous laisse sans-cesse dans l’expectative de ce qui pourrait bien se passer à la page suivante, et instille un sentiment constant d’insécurité et d’angoisse. Ajoutez à cela un graphisme brut, au trait tranché et sans fioriture, dans un noir et blanc strict, collant parfaitement à cette ambiance de fin du monde, et vous comprendrez aisément que l’on est finalement à mille lieues du « produit » délivré par Netflix.
Second titre ajouté dans votre liste interminables de séries à mater : Le Voisin.
Suite au succès de la Casa de Papel, Netflix s’est empressé de dénicher une nouvelle petite pépite espagnole à se mettre sous la dent, et pour cela, a eu la bonne idée de regarder ce qui se faisait du côté de la BD. Très bonne idée, même, tant les jolies surprises sont nombreuses parmi les divers et variés « tebeos » ayant traversé les Pyrénées ces dernières années, de David Rubin à Fermin Solis en passant par le génial Alvaro Ortiz ! Pour leur nouvelle série, les limiers de la chaine VOD se sont arrêtés sur El Vecino. Pourquoi pas ? Cette BD racontant le quotidien difficile d’un super-héros ayant du mal assumer les grandes responsabilités impliquées par de grands pouvoirs, il y a matière à raconter ! Les auteurs de la BD y parviennent d’ailleurs très bien : au lieu de nous narrer les exploits de Titan et de ses fabuleux pouvoirs à grands coups de double-pages explosives, Garcia et Pérez préfèrent une narration bien plus simple et sobre, fidèle à la BD européenne, pour mieux se focaliser sur la version civile du héros, ses difficultés à gérer sa double-vie et les conséquences désastreuses qui en découlent sur sa vie professionnelle et amoureuse, sur les relations avec sa famille et ses amis… et même sur sa santé mentale et physique !
Mais encore une fois, la télé se doit du vendre du rêve, et malheureusement, de ce dense récit aux thématiques nombreuses et profondes, ne sera retenu que la partie plus « lumineuse » afin de mieux surfer sur la mode des super-héros, le transformant en une parodie gentiment fun et pas des plus inspirées, où les principales difficultés du héros se limiteront à maîtriser sa capacité à voler – là où le vol sera toujours hors champ en BD – tout en racontant de gentils bobards à son entourage – là où le héros se retrouvera seul et à la rue dans sa version dessinée !
Vous l’aurez donc compris : si vous voulez un p’tit programme sympatoche pour trainasser sans vous prendre la tête devant votre télé, cliquer sur Daybreak ou Le Voisin, mais si vous cherchez quelque chose qui sorte un peu des sentiers battus, revisite les codes élimés de la série B et se les approprie pour une proposition plus originale et à part, coupez votre télé et lisez Daybreak et Le Voisin !
* Daybreak, de Brian Ralph (ed. Delcourt)
* Le Voisin, de Santiago Garcia & Pepo Pérez (ed. Dargaud)