Pour bien commencer cette nouvelle année bédégraphique, les éditions Ankama nous offrent ce mois-ci pas moins de 3 titres étiquetés « 619 », un label qui a déjà maintes fois fait ses preuves au niveau qualité et originalité.
Premier de ces trois titres : Commando Culotte, recueil papier du blog éponyme.
Alors que dans le précédent billet je pointais le fait qu’on l’on rapproche bien trop souvent la BD féminine à l’insipide mouvement girly, voici un nouveau bouquin prouvant que les filles ne se limitent pas à nous raconter la dernière recette de macarons à la mode… bien au contraire ! Décidée à combattre les innombrables clichés sur la gent féminine véhiculés par tout type de média, Mirion Malle s’attaque au sexisme plus ou moins latent qui pourri le moindre de nos films, séries, bouquins, ou autres jeux vidéo !
Féministe avertie, elle saura décrypter le sous-message bien machiste qui se glisse entre les grandes lignes des Game Of Thrones, Américan Pie, et de nombreuses autres œuvres pas loin de prôner la culture du viol. Une culture malheureusement réduite à la limite du banal par les arguments de certains (hommes comme femmes)… que Mirion se fera un plaisir d’exploser à grands coups d’humour et d’études des plus sérieuses.
Des démonstrations qu’elle distille sous forme de notes mettant l’accent plutôt sur le fond que sur la forme, son dessin extrêmement simple tirant davantage vers le schéma clair et concis que vers la page de BD chatoyante au trait tout mignon tout rond…
…Bah quoi ? Vous n’en étiez quand-même pas encore à demander aux demoiselles : « sois belle et tais-toi ! »
Dans un tout autre genre, vous trouverez également Breizhskin.
Alors qu’on connait les frères Guedin pour leur humour certes noir mais ô combien décapant, c’est dans un registre bien plus sérieux et grave que l’on retrouve aujourd’hui l’un des frangins en solo. En se basant sur ses propres souvenirs de jeunesse et les mixant avec ceux de son coloc’, Dav Guedin met en scène trois jeunes ados dans la Bretagne des années 80, qui – un peu paumés entre quête d’identité, effet de mode, et esprit de provoc’ – passent du mouvement punk au mouvement skinhead sans trop y réfléchir. De fil en aiguille, ils se retrouvent embarqués pour un week-end d’initiation chez un skin pur et dur, une brute sans pitié ni remord, obnubilé par la culture nazie et les armes, empli de rage, de racisme, de haine, et de tout ce que l’humanité à fait de pire. Un week-end d’initiation auquel ils étaient si fiers d’être conviés… et qui tournera au véritable cauchemar, leur mise à l’épreuve les poussant à bout, réduits à l’état d’animaux et soumis aux pires des humiliations physiques et morales.
Un récit aussi violent qu’un coup de Doc’ coquée en pleine tronche, illustré de manière brutale mais idéale par Craoman ; son encrage profond et son trait puissant, dégoulinant, et presque organique – à la croisée d’un Charles Burns, d’un Blanquet, ou d’un Ludovic Debeurme – exprimant à la perfection le mal être de ces 3 adolescents et l’enfer dans lequel ils évoluent…
Enfin, last but not least mais last quand-même parce qu’il marque la fin d’une grande saga, le quatrième et dernier tome de The Grocery.
Une conclusion à la fois en apothéose et des plus intimes, les deux lascars aux manettes maîtrisant à merveille le grand écart facial / coup de pied retourné dans la face ; capables de nous mettre KO avec des scènes d’émeutes hallucinantes qui défouraillent sévère, aussi bien que de nous émouvoir en recentrant l’intrigue sur les 4 personnages originels et leurs destins – comment dire ? – surprenants… car tenez-le vous pour dit : rien n’est jamais acquis pour personne dans les rues à feu et à sang de Baltimore !
Un point final de toute beauté, donc, qui consacre Ducoudray & Singelin comme le duo ayant réalisé l’une des plus belle séries de ces dernières années…
…que ce soit d’un point de vue graphique avec le travail fabuleux de « Blacky » (son trait nerveux, ses découpages hyper-dynamiques, sa palette de couleurs magnifique, ses pupetts aussi originales qu’expressives), comme d’un point de vue scénaristique ; Ducoudray n’ayant pas (ou peu) d’égal pour donner du corps à ses personnages et à ses histoires, flirtant ici avec la perfection en truffant ses pages de dialogues aux p’tits oignons, de références qui font mouche à chaque coup, de sentiments en tout genre, et d’un message aussi intelligent que l’action est explosive !
Finalement, que dire de plus à part : « Bravo, les gars ! »
Un bravo que j’adresserai plus généralement aux éditions Ankama – et tout particulièrement à leur flamboyant Label 619 – qui nous prouvent encore ce mois-ci leur envie de nous offrir une bande dessinée divertissante, originale, variée, accessible au plus grand nombre… sans jamais oublier la qualité !
Bravo, donc.
* Commando Culotte, de Mition Malle (ed. Ankama – Label 619).
* Breizhskin, de Dav Guedin & Craoman (ed. Ankama – Label 619).
* The Grocery (Tome 4/4), d’Aurélien Ducoudray & Guillaume Singelin (ed. Ankama – Label 619).