– Nympha Moderna, d’Alexandre de Moté –

Il est des albums aux dessins hyper-travaillés, à la précision hallucinante, à la technique époustouflante, au réalisme saisissant… et au rendu finalement hermétique et sans âme.

Il est des livres où les textes sont massifs, où le propos se veut profond, où le discours se veut complexe, ou les envolées se veulent lyriques… et qui se révèlent simplement bavard et verbeux.

Et puis il est des albums comme Nympha Moderna, totalement muet et au dessin des plus simples, qui vous touchent au plus profond.

Pas besoin d’une histoire folle pour nous embarquer, pas besoin de mots pour nous émouvoir.
En quelques traits – fragiles, sensibles, sensuels – Alexandre de Moté donne vie à une jeune et innocente demoiselle, lui offre le grand amour et ses premiers émois, l’en prive en envoyant son homme à la guerre, lui impose l’absence, l’abstinence, puis le deuil, la pousse dans la déchéance et la décadence, le stupre et la luxure… et la métamorphose en nymphe moderne pour la sauver de ce monde sans foi ni loi.

 

En quelques traits, donc, et parfois même par l’absence de trait : quoi de plus parlant que deux corps qui se mélangent et ne font plus qu’un pour illustrer un amour fusionnel, quoi de plus frappant qu’un visage totalement vide pour pointer l’anonymat dans lequel mourront ceux qui espéraient pourtant un destin unique sous le drapeau de leur patrie ?

En un détail, une forme, un symbole, Alexandre de Moté dresse bien plus que le portrait troublant de sa nymphe : à travers elle, c’est toute une société et ses dérives qu’il dépeint avec une circonspection teintée d’amertume et de dépit.

Nympha Moderna, d’Alexandre de Moté (ed. Alter Comics).

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