Diaz Canales, scénariste du génial Blacksad, s’offre une petite incartade et abandonne momentanément son félin de détective pour se consacrer à Fraternity, nouveau diptyque dont le premier tome vient de sortir chez Dargaud.
Changement d’époque, changement de thème, changement d’ambiance… et même changement de dessinateur. Mais s’il reste une chose qui ne change pas, c’est bien la qualité !
Talentueux raconteur d’histoire, Canales nous embarque ici pour une mystérieuse histoire au fin fond de l’Amérique du XIXème siècle, à la croisée du film Le Village (de M. Night Shiamalan) et d’une relecture du mythe de Thésée. Du Village, nous retiendrons cette communauté autarcique, volontairement coupée du monde et de ses dérives (ici, la Guerre de Sécession qui déchire le tout jeune pays), son côté utopiste et difficilement viable ; de Thésée, nous retrouverons le labyrinthe inextricable, sa féroce créature menaçant le peuple et le jeune homme prêt à l’affronter pour revenir en héros.
Une histoire dense, flirtant habilement avec le récit historique, philosophique, et fantastique…
Une histoire dense, donc, et ô combien captivante !
Cette qualité, nous l’apprécierons aussi au niveau du graphisme : au fil des albums, Munuera se lâche et s’affirme de plus en plus pour nous régaler d’un dessin toujours plus élégant, raffiné, et racé. Sa maîtrise est totale, qu’il s’agisse des plans serrés où nous pouvons lire une tonne d’émotion(s) sur des visages si fins et si expressifs, des plans larges où nous sommes éblouis par des décors à la profondeur et aux détails à couper le souffle, ou encore du découpage et des cadrages si dynamiques que nous nous attendons presque à voir ses personnages prendre vie sous nos yeux ébahis !
Et si le trait de Munuera nous transporte et nous plonge à 200% dans cette histoire, l’immersion n’en est que plus parfaite grâce aux fabuleuses couleurs de Sedyas qui collent si bien à l’ambiance ; ses tons sépia et passés, d’un côté, rappelant immédiatement les vieilles photos jaunies de l’époque, et ses teintes sombres et inquiétantes, d’un autre, apportant la noirceur nécessaire aux scènes les plus terrifiantes.
Tellement de qualité(s), en fait, qu’au final c’en est presque frustrant : ce premier album nous réjouis tellement avec son visuel implacable et son histoire accrocheuse qui ouvre des dizaines de pistes toutes plus intéressantes les unes que les autres, qu’arrivés à la dernière page, on a envie de s’écrier : « oh, mais ça va pas bien, là ?! Vous pouvez pas nous laisser comme ça sans rien nous dévoiler de ce qui se trame vraiment derrière tout ça ! »
Messieurs les auteurs, gare à vous pour le second tome : maintenant que vous nous avez ouvert l’appétit de la sorte, nous serons impitoyables quant au dénouement de cette aventure !
Fraternity, de Canales & Munuera (ed. Dargaud).
assez réaliste au niveau de la frustration finale qui laisse un gout de « pas assez » en bouche
@ Goth’Girl : Yep, c’est clair que c’est dur de rester comme ça sans en savoir plus… si le tome 2 est la hauteur de celui-ci et nous donne les clés de toutes les enigmes, v’là le diptyque !
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