« Je m’appelle Happy.
Je suis un gentil chien avec de grands yeux tout ronds, emplis d’amour pour mon papa.
Mon papa est un vieux monsieur très gentil.
Il s’est endormi en regardant les étoiles. Il y a déjà plusieurs mois qu’il dort. Il ne se réveille plus. Il ne mange plus. Il ne me parle plus… Mais moi, je reste à ses côtés, parce que je l’aime.
Depuis que je suis tout petit, il a toujours été très gentil avec moi. Oh bien sûr, il y avait aussi Miku, la petite fille avec qui je jouais parfois, et maman, qui me donnait à manger. Mais papa était le plus gentil. Tous les jours, dès qu’il rentrait du travail, il m’emmenait faire ma promenade et me racontait plein de choses. Il ne parlait pas beaucoup à la maison, mais à moi, il me parlait tout le temps. Beaucoup, beaucoup.
Après, quand j’ai grandi, Miku ne jouait plus avec moi, et maman ne me donnait presque plus à manger. Heureusement papa, lui, était toujours là pour moi. Et même encore plus qu’avant, depuis qu’il n’allait plus au travail. Maman, elle, n’était pas contente que papa n’aille plus au travail, alors elle est partie. Et Miku aussi.
Comme on n’était plus que tous les deux à la maison, papa a décidé que nous aussi on allait partir. Alors on est montés dans la voiture et on a suivi la mer, droit vers le sud.
Moi, j’étais content de partir en voyage avec papa, et je crois que papa aussi était content de partir en voyage avec moi. Le soir, il dormait même dans la voiture avec moi pour ne pas me laisser tout seul. Tous les deux, on s’est beaucoup amusés, on s’est baignés dans la mer, on est allés au restaurant, on a pécher des poissons, on a joué, on a ri… on ne se souciait de rien. On était heureux.
Quand on a plus eu d’essence dans la voiture, on s’est arrêté dans un grand champ de tournesols. Quand on avait faim, on mangeait ce qu’on trouvait. Quand on avait froid, on se réchauffait l’un l’autre.
Et puis papa s’est endormi en regardant les étoiles.
Et depuis, il dort.
Moi, je commence à m’ennuyer un peu, là, tout seul.
Alors, moi aussi, je regarde les étoiles… et moi aussi, je m’endors. »
« Je m’appelle Okutsu.
Je suis assistant social. J’aide les gens à régler leurs petits problèmes administratifs.
Mon travail consiste aussi à organiser les funérailles des inconnus retrouvés morts dans la nature.
Aujourd’hui, dans un champ de tournesols, on a trouvé le corps d’un homme mort depuis un peu plus d’un an. Et à ses côtés, celui d’un chien mort depuis un mois seulement.
Je me demande qui il était et ce qu’il faisait au beau milieu de ce champ avec son chien. Je dis « son » chien, car ce chien devait être le sien pour lui être dévoué et fidèle au point de veiller presqu’un an sur son corps sans vie.
Moi aussi, étant enfant, j’ai eu un chien. Il m’aimait beaucoup. Enormément. Plus que moi je ne l’aimais, en fait. Mais je pense que lui aussi aurait veillé coûte que coûte sur mon corps.
Je me dois de savoir qui était cet homme afin de leur offrir, à lui et à son fidèle compagnon, une sépulture digne de ce nom… dussè-je refaire tout leur périple en sens inverse !
De toute façon, qu’ai-je à perdre ? Rien ni personne ne me retient ici : je n’ai que cette vieille maison pleine de courants d’air et cette antiquité qu’on ose à peine appeler « voiture »…
« Je m’appelle PaKa.
Je suis parleur de bédés sur Angle[s] de Vue. Je lis des bédés, et après, j’en parle ici.
Je viens tout juste de refermer Le chien gardien d’étoiles, et j’en suis encore tout retourné. Je ne vous avouerai pas que j’ai les larmes aux yeux, non, mais pas loin.
J’ai été profondément touché par l’histoire de ce monsieur taciturne et aux abords austères qui se laisse attendrir par les grands yeux tout ronds de ce petit chiot. J’ai eu mal quand il lui arrivait des coups durs, et j’ai souri quand il retrouvait la sérénité et la paix intérieure. J’ai été ému par tant d’amour, d’amitié, et de dévotion. J’ai été séduit et enchanté par ce road-trip improvisé aux allures de véritable ode aux plaisirs simples de la vie et aux petits instants précieux.
J’ai retrouvé dans ce livre toute la poésie et la douce mélancolie qu’avait su insuffler Kitano dans son magnifique film l’été de Kikujiro.
J’avais adoré l’été de Kikujiro, un de mes gros coups de cœur de l’époque.
J’ai adoré Le chien gardien d’étoiles, un de mes gros coups de cœur du moment. »
Le chien gardien d’étoiles, de Takachi Murakami (ed. Sarbacane)
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Quelle poésie, quelle belle leçon de vie que ce livre ! Apprendre à voir la vie autrement, sortir du système… quel courage, même pour aller vers la mort. C’est un livre de foi où les éléments, les animaux prennent le pas sur l’humain. Un délice qui ne laisse pas indifférent.