Pow Pow !
Derrière cette onomatopée se cache une jeune mais fourmillante maison d’éditions montréalaise grâce à laquelle la BD québécoise s’étend aujourd’hui partout où l’on parle la langue de Molière… et promeut par la même la langue d’un Molière qui aurait encore un peu de fromage « couic-couic » dans la bouche, tabarnak !
En amour de la Belle Province, c’est donc tout naturellement que nous nous sommes offert un voyage littéraire en nous plongeant dans les deux nouveaux opus proposés ce mois-ci par Pow Pow.
Le premier, Sarclage, se révèlera très vite des plus mystérieux : s’il commence par une banale tea party entre petites dames, on sera rapidement saisis par l’ambiance dérangeante qui se dégagera de ses pages. Ambiance dérangeante par les relations tendues entre les convives, appuyée par un dessin austère qui accentue l’aspect blasé et aigri de ces femmes entre deux âges ; ambiance dérangeante par les choses étranges qui se déroulent dans le jardin, appuyée par une représentation organique et malsaine des plantes qui y prolifèrent. Un parallèle sur la forme pour mieux illustrer un parallèle sur le fond : l’allégorie du jardin secret s’avérant évidente, et même terrifiante lorsque le choix d’y enfouir ses regrets, remords et rancœurs se personnalise (se « monstrise » ?) pour mieux pointer le danger que peuvent engendrer ses conséquences désastreuses.
Traitement plus léger pour le second album, même si le sujet n’en est pas moins grave et profond : dans Confessions d’une femme normale, Eloïse Marseille parle de sa sexualité – aujourd’hui enjouée et assumée – mais aussi et surtout du chemin laborieux et du travail énorme qu’elle a dû réaliser sur elle-même avant d’être enfin une femme libérée. Faut dire, qu’entre une éducation au sein d’une école catho’, une famille qui considère comme tabou tout ce qui se rapporte de près ou de loin au sexe, les réprimandes bien trop importantes reçues pour un simple bisou sur la bouche d’une copine, les engueulades répétées puis la séparation de ses parents, la stigmatisation systématique des consommateurs de porno, supporter les jugements incohérents oscillant entre « cette pauv’ fille est encore vierge » et « cette salope se tape plein de mec », une peur communes des pénis ET des vagins, et tonne d’emmerdes au niveau de son « poupou »… bah, c’était pas gagné !
Plombant ? Oh que non, bien au contraire : autant ses histoires ressemblent au premier abord à une succession d’expériences peu glorieuses, de lose en barre et d’un mélange de honte tant familiale que sociétale ; autant Eloïse saura les relater – grâce à son p’tit avatar tout mimi, tout guilleret, au trait épais, rond, hyper lisible et hyper expressif – sur un ton aussi léger et fun que sincère et lucide ; transformant ainsi tous ses fails intimes en petites victoires… et en ode universelle au bon cul qui-fait-du-bien !
Alors si tu veux t’lire deux beaux bouquins par des femmes, sur des femmes, pour des femmes… et pour ceux qui veulent comprendre les femmes, tire-toi donc une buche et watchE ceux qu’ont crossé l’Atlantique grâce à Pow Pow !
* Sarclage, de Geneviève Lebleu (Ed. Pow Pow)
* Confessions d’une femme normale, d’Eloïse Marseille (Ed. Pow Pow)