Quand il était jeune, Olive était un peu gros. Pas énorme non plus, hein, juste un peu rondelet… assez pour que ses copains l’appellent « Grolive ». Pas bien malin, un poil con et grossophobe, peut-être, mais pas bien méchant : venant de leur part, c’est presque affectueux. Alors Olive, il dit rien. Même maintenant qu’il est adulte, qu’il a maigri, et que ses copains continuent de l’appeler « Gro », Olive, il dit rien.
Quand il était jeune, aussi, Olive était l’artiste de la bande de potes. Vivotant de sa musique, il ne gagnait pas des mille et des cents, et ses copains s’amusaient dire qu’ils bossaient pour que des branleurs comme lui puissent toucher des aides. Pas bien malin, un poil con et dépréciant, peut-être, mais pas bien méchant : venant de leur part, c’est presque affectueux. Alors Olive, il dit rien. Même maintenant qu’il est adulte, qu’il vit vraiment de sa musique, et que ses copains continuent de le considérer comme une branlouze, Olive, il dit rien.
Rien… Rien de rien… Il ne leur dit pas que leurs petites remarques peuvent s’avérer un peu lourdingues, voire blessantes ; il se dit que c’est plutôt mignon, finalement, qu’ils le considèrent encore et toujours comme ce p’tit gars un peu rond et timide qu’il faut choyer. Il ne leur dit pas, non plus, que non content de « vivre de sa musique », en réalité, il se fait des jolies p’tites couilles en or avec sa musique ! Il ne leur dit pas qu’il joue à guichet fermé partout dans le monde et habite un super appart’ en plein Paname ! Il a bien essayé de leur dire, mais bon, Gro, on l’écoute pas forcément : Olive, il a du mal à s’imposer face à Baptiste-le-rigolo, Céline-la-freak-control, Oscar-le-beau-gosse, ou encore la jolie claire… dont il a toujours été amoureux… et qui va bientôt épouser Oscar-ledit-beau-gosse. Alors Olive, il dit rien… et il s’enfonce dans son mensonge… un mensonge parmi tant d’autres… car finalement, mensonges et non-dits, cachoteries et tromperies, n’est-ce pas là le pain quotidien de toute vieille bande de potes ?
De par leur art sans pareil du dialogue ciselé mais extrêmement fluide et naturel, aux expressions et vocabulaire si contemporains, aux références et influences à la fois subtiles et pertinentes, Cadène et Safieddine dépeignent une nouvelle fois une génération qui leur est chère, et s’attaquent tout particulièrement – et avec une incroyable justesse – aux relations qui se tissent et lient les amis de longues dates ; rendues si fortes grâces aux années partagées… et paradoxalement affaiblies par le poids des ans ! Un récit choral à la fois intime et universel dans lequel, à un moment ou un autre, l’on reconnait forcément et fatalement soi-même ou quelque pote, qui nous parle et nous happe, et se transforme en un véritable « page turner » sous le trait aussi précis que léger et aussi simple qu’élégant de Clément C. Fabre.
BFF, de Thomas Cadène, Joseph Safieddine & Clément C. Fabre (Ed. Delcourt)