Oui, bon, ça va : je vous vois déjà monter sur vos grands chevaux et arguer « ouiiiiiii, mais là, le gars, il dit qu’il va nous parler de plein de bédés différentes, et PAF, tous les deux mois, il nous ressort un article sur Donjon…! »
Et d’un côté, vous n’aurez pas tort : depuis l’inattendue – mais providentielle – reprise du Donjon, la cadence de publication se révèle totalement fofolle… pourtant, là où vous vous trompez, c’est qu’en choisissant de vous en chroniquer chaque nouvel opus, je vous parle bel et bien de BD différentes tant les tomes se suivent et ne se ressemblent pas !
Pour commencer, « back to basics » comme qui dirait, avec le retour d’une des séries d’origine : Donjon Parade ! Venant « s’intercaler » entre les deux premiers tomes de la série Zénith, les Donjon Parade n’ont pas pour vocation de faire avancer l’histoire de Terra Amata, mais juste de s’en payer une bonne tranche ! Et là, niveau bonne tranche, on est sur de la bonne grosse tranche bien épaisse ! En imaginant une garderie pour les enfants des aventuriers s’attaquant au Donjon gérée par ce trou d’balle d’Herbert, Sfar et Trondheim s’en donne à cœur joie dans la déconne, à base de bonnes grosses vannes de sales gosses, de situations aussi improbables qu’hilarantes (limite choquantes, parfois), invoquant – de plus – tous nos personnages chouchous de la grande époque… including l’ami Grogro et le truculent ZONGO !!
Et visuellement, là où on pourrait regretter le non-retour de Larcenet, aucune crainte à avoir : plutôt que d’aller recruter un autre dessinateur « d’umour et bandessinées », le duo nous propose ici un tout autre univers, délaissant le style Fluide Glacial pour un graphisme somptueux. Détails à foison, couleurs directes sublimes, délicats jeux d’ombres et de lumières : chaque case du virtuose Alexis Nesme s’apparente à un véritable tableau sur lequel s’émerveillera de longs moments… Fabuleux !
Pour le second Donjon tout juste paru, un an à peine après ce qui fut les prémices d’une nouvelle « sous-série », nous revoilà déjà dans le lointain passé de Terra Amata avec ce tome numéroté -9 999 ! Quel plaisir de retrouver les deux toutous naïfs et un peu concons mais si délicieux sous les crayons de Grégory Panaccione… d’autant que le plaisir qu’il prend à dessiner cet univers est évident, mixant franco-belge à l’ancienne, bédé indé’, et d’autres influences diverses et variées ; en sont témoins cette incursion de dragons très disneyens ou encore ce cuirassé volant que n’aurait pas renié môssieur Miyazaki !
Et ce joyeux bordel n’est-il finalement pas le terreau idéal pour planter les graines de cette œuvre protéiforme que constitue l’univers Donjon ? En effet, si rien ne sera cité ni exposé explicitement, nombreux seront les éléments phares et gimmicks de la série évoqués en ces pages, de boules de cristaux aux balbutiements du draconisme en passant par les « quatre-flèches-montagneuses-dont-la-plus-haute-est-visible-à-10-jours-de-marche »… sans oublier ces maudits lapins ! Du pain béni pour les fans qui se feront alors un plaisir d’extrapoler à tout-va une fois la dernière page tournée…
…d’ailleurs, dernière page de l’album ou dernière page de la série, celle-ci pouvant s’appréhender tant comme la fin d’une habile intro’ que comme un putain de cliffhanger !?
Du classique, du nouveau, de la fin, du début, de la suite, de la résurrection, de la continuité… du classique renouvelé, la résurrection de la suite, la fin du début… et la continuité du plaisir, ça oui : plaisir des auteurs, évidemment ; plaisir du lecteur, par conséquent !
* Garderie pour petiots (Donjon Parade, Tome 6), de Alexis Nesme, Joann Sfar & Lewis Trondheim (Ed. Delcourt).
* L’inquisiteur mégalomane (Donjon Antipodes, Tome -9 999), de Grégory Panaccione, Joann Sfar & Lewis Trondheim (Ed. Delcourt).