Au risque de passer pour de vieux réac’ de base, nous devons bien avouer qu’à La Rubrique-à-Brac, nous sommes peu friands de la lecture via un écran ; pourtant, parmi nos coups de cœur de 2020, une BD publiée sur Insta’ squatte furieusement le peloton de tête : l’Homme le Plus Flippé du Monde !
Hé ouais, une BD sur Insta’, le truc encore moins convivial qu’un format travaillé au mieux pour être lu confortablement sur une liseuse ! Et pourtant, encore une fois, quel bonheur quand je jette un œil distrait à mon mobile et qu’il se fait happer par le dernier post de Théo Grosjean… Dans ces insta’strips d’une dizaine de cases à swipper du bout du doigt, ce jeune auteur nous expose ses petites terreurs du quotidien… ou plutôt, ses petites terreurs quotidiennes, car pas un jour ne passe sans qu’une crise vienne menacer le cœur et les nerfs de cet angoissé chronique !
Tout d’abord, si notre œil se retrouve happé par ces strips, c’est grâce au dessin charmeur de Théo : un trait épais, presque rassurant, des plus simples et capable pourtant d’exprimer au mieux les ressentis de l’auteur, sa raideur cataleptique ou ses tremblements spasmodiques lorsqu’il se met à flipper, ses yeux exorbités, cernés ou emplis selon le degré de ladite flippe, et une bonne dose de petites gouttes de sueur par-dessus tout ça histoire de bien appuyer le mal-être du pauvre bonhomme ! Et pourtant, oui : le dessin reste charmeur et attractif, hyper lisible et appuyé pile ce qu’il faut par cette douce bichromie orange apportant le relief nécessaire à ses cases.
Une fois l’œil happé, c’est le cœur et les zygomatiques qui prennent le relais. Les zygomatiques, car Théo retranscrit ses petites terreurs quotidiennes avec humour et auto-dérision, grossissant pile ce qu’il faut le trait pour faire de lui-même un personnage réellement drôle et bien écrit ; et le cœur, car ce personnage sait aussi nous toucher : entre deux rires, on ne peut que ressentir une pointe de peine et de compassion pour ce pauvre p’tit gars en état de stress permanent. Et puis, s’il touche au cœur, sûrement est-ce également car à un moment, on se retrouve un peu en lui : entre la peur de mourir, la peur de vivre, la peur de souffrir, la peur de se faire agresser, la peur de parler en public, la peur de péter en public, la peur d’aimer, la peur de ne pas aimer, la peur de ne pas être aimer, la peur de ne pas même juste être apprécier, la peur d’avoir peur et encore mille et une autres peurs, il y a forcément une de ses phobies dans laquelle vous vous reconnaitrez !
Après, s’il peut se rassurer sur un point, que ce soit sur celui d’être apprécier : fort de son succès sur Insta’, l’Homme le Plus Flippé du Monde fait aujourd’hui l’objet d’un recueil en vrai-livre-avec-la-douceur-inégalable-du-papier-et-la-bonne-odeur-de-la-colle chez Delcourt ! Alors si vous ne connaissez pas encore cette jolie BD foncez la découvrir chez votre libraire, et si vous la suiviez déjà sur Insta’, foncez tout de même chez votre libraire afin de la redécouvrir comme un « grand tout », retravaillée avec amour (et angoisse), parfois redessinée, parfois re-rtythmée, et surtout, augmentée d’une fournée d’inédits !
* L’homme le plus flippé du monde (2 tomes), de Théo Grosjean (Ed. Delcourt – Shampooing).