Batimax est une entreprise cofondée par John et Walter Battie. Batimax s’est énormément développée et toute l’économie de sa région gravite autour d’elle. De là à dire que Batimax est un véritable petit empire, il n’y a qu’un pas.
Walter Battie, très vite submergé par le charisme et l’ambition de son frère John, se retire des affaires. Walter laisse donc John seul à la tête de l’empire Batimax.
John Battie meurt subitement durant un coït adultérin. John laisse donc à son tour la tête de l’empire Batimax à sa veuve Sally.
Hawk Battie est l’enfant unique de John et Sally. Hawk est donc l’unique héritier de l’empire Batimax. Hawk se la coule douce dans le château familial.
Herb et Jed sont les fils de Walter Battie. Herb et Jed ne sont que de simples employés à l’usine Batimax.
Herb et Jed jouent tous les dimanches au Huit Américain avec leur cousin Hawk. Herb, Jed et Hawk ont rajouté une règle au Huit Américain : celui qui a le joker peut échanger son jeu avec qui il veut. En plus de son jeu, celui qui a le joker échange également sa vie avec celle de l’autre pendant une semaine.
Herb et Jed sont ravis d’échanger leur vie avec celle de Hawk. Herb et Jed apprécient de passer une semaine à se la couler douce au château de Hawk plutôt qu’à l’usine.
Hawk ne rechigne pas à échanger sa vie avec Herb et Jed. Hawk troque sa vie de château pour une vie de famille. De là à dire que les familles de Herb et Jed sont sa famille, il n’y a qu’un pas. De là à dire que les enfants de Herb et Jed sont ses enfants, il n’y a qu’un pas.
Charlène, Darlène, Arsène, Stuc, Marie-Annick, Geneviève, Franck, Claudie, Gaby sont – entre bien d’autres – des personnes gravitant autour de la famille Battie et de l’empire Batimax.
Adultères, tromperies, trahisons, mensonges, convoitises, jalousies, délations, diffamations et même meurtres sont le quotidien de la famille Battie, de l’empire Batimax et des personnes qui gravitent autour.
Comme un joueur de poker – ou de Huit Américain, en l’occurrence – qui abat ses cartes une par une, Benjamin Adam nous distribue en brefs chapitres d’une à trois pages les pièces d’un puzzle qui s’assemblent petit à petit sous nos yeux pour révéler l’image d’un grand tout. Des chapitres qui se présentent systématiquement sous la forme d’un gaufrier de 3 cases sur 3, composés de vignettes au dessin très simple et allant à l’essentiel, souvent statique et proche du symétrique, parfois même à la limite du pictogramme additionné d’une légende… encore une fois, comme si l’on abattait des cartes, en annonçant simultanément la couleur. Et au milieu de ces cartes il y a Joker, l’un des 15 enfants illégitimes de Hawk et personnage éponyme qui jouera à juste titre le rôle du joker : celui de pouvoir rebattre lesdites cartes et changer la donne !
Un peu à la manière d’un Wes Anderson du 9ème art (Wes Anderson étant le plus bédégraphique des cinéastes, on s’y retrouve), Benjamin Adam « pose sa caméra » et capture en plans fixes le spectacle d’une famille qui se déchire dans un récit choral aussi drôle que pathétique ; une farce au premier degré qui tire doucement mais sûrement vers la critique sociale et cynique, égratignant tant le monde de l’entreprise que l’indépendance des médias… ou la nature humaine en générale !
* Joker, de Benjamin Adam (Ed. La Pastèque)