Cette année, afin de célébrer les 70 ans de Lucky Luke, quelques auteurs se sont vus proposer de revisiter à leur sauce l’univers de l’homme le plus rapide de l’ouest.
Ceci-dit, pas forcément besoin de s’attaquer à ce bon vieux Lucky pour livrer sa propre interprétation de la bédé de cow-boys ! Pour preuve, Churubusco et Santiago, deux livres se baladant sur les plaines sauvages du far west sans piétiner les plates-bandes des grands classique tels que Lucky Luke, Blueberry, ou autres Tuniques Bleues…
Le premier choisit l’approche historique en relatant un épisode peu connu de l’histoire des Etats Unis, lorsque l’actuelle Californie appartenait au Mexique et que l’empire américain, encore à ses balbutiements, mettait tout en œuvre pour se l’accaparer.
Un récit qui pourrait virer à la grande fresque historique impersonnelle, mettant en scène des milliers de militaires sur des scènes de bataille s’étalant en d’innombrables doubles-pages… et qui s’avèrera au contraire des plus intimes et touchants.
Plutôt que de refaire l’Histoire avec un grand « H », Churubusco se focalisera sur une histoire en particulier, celle des San Patricios ; une poignée d’hommes fraichement débarqués d’Europe et enrôlés dans l’armée américaine contre la promesse d’un lopin de terre, mais qui finiront par se retourner contre leur camp et rallier les forces rebelles au sein d’un village d’irréductibles afin de lutter contre la violence et les injustices infligées par l’envahisseur au peuple mexicain.
Une histoire sans fioriture ni concession servie par un dessin au fusain, brut et charbonneux, collant parfaitement à la dure époque abordée en ces pages…
…un bel hommage à ces courageux résistants épris de liberté et de justice, à mille lieues des canons du genre.
Pour ce qui est des canons du genre, tournons-nous plutôt vers notre deuxième ouvrage, car lui se fera un plaisir d’en user et d’en abuser.
Ah ça, je peux vous dire qu’il y en a, du cliché, en ces pages : on y pille des diligences, on y bouffe du chili autour du feu, on y organise des duels au soleil, on y craint les indiens tout autant que l’on y craint aussi la cavalerie… parce qu’on est jamais tout-à-fait clean, dans cet ouest sauvage !
Pourtant, malgré tous ces lieux communs, je peux vous dire qu’on est loin du grand classique… ou alors du grand classique comique ! Car soyons clairs, lorsqu’il est question d’humour à la con (et c’est là pile l’inverse d’un terme péjoratif), B-Gnet atteint des sommets, en compagnie des maîtres du genre tels le fabuleux Bouzard ou l’inénarrable Fabcaro.
Ainsi, les diligences seront pillées bien avant que nos bras cassés de bandilleros n’aient seulement pu sortir leur colt, le chili sera bouffé autour du feu mais préparé avec amour par notre mexicain à la virilité inversement proportionnelle à sa moustache, les duels au soleil seront remportés plus par chance que par habileté, quant aux indiens et la cavalerie, les premiers se révèleront plus intéressés par les beaux apparats que par les scalps, et les seconds à deux doigts de déserter parce que « faire la guerre c’est pas beau »…
Un album pour lequel B-Gnet travaille son trait de manière surprenante, capable de nous offrir des décors grandioses aux couleurs magnifiques dignes des plus grandes bédés de cow-boys, ou encore des perso’ au rendu bien plus réaliste qu’à son habitude… jusqu’à ce qu’ils sortent une grosse connerie et que le facétieux dessinateur nous ressortent ces bonnes sales tronches désopilantes dont il a le secret !
Chacun à leur manière – que ce soit par le côté intime et historique ou absurde et parodique – ces deux albums parviennent donc à s’accaparer et renouveler le genre ô combien codifié du western tout en lui rendant un sacré bel hommage… où la passion et le plaisir se ressentent à chaque page !
* Churubusco, d’Andrea Ferraris (ed. Rackham).
* Santiago, de B-Gnet (ed. Vraoum).
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