« La lune, bien qu’imposante, peinait à se frayer un chemin à travers les épais nuages s’accumulant dans le ciel déjà bien noir de cette longue et froide nuit d’automne. Au volant de sa Volvo S60, Äkerstieg Bloomkbergen esquiva au dernier moment cette vieille femme apparue subitement dans ses phares, distrait par l’énième appel de son ex-femme. Quand comprendra-t-elle enfin que le spectacle d’équitation de leur fille ne pouvait décemment pas supplanter son enquête ? Peut-être que la vision du corps dénudé de cet enfant, lacéré de part en part, éviscéré sauvagement et pendu par ses propres entrailles… »
Quoi…? C’est « dégueulasse »…?
Pourtant, vous devriez être fous de ce que j’écris : la grosse lune, les nuits d’automne bien poisseuses, le vieux flic au nom imprononçable, la marque de sa voiture citée on-ne-sait-pourquoi, la vieille dame au milieu de la route, l’appel de l’ex-femme bien relou, le crime immonde à souhait – d’un enfant, de préférence – que l’on détaille sans vergogne… en quelques lignes à peine, j’arrive à placer une bonne partie des figures imposées par les fameux « polars suédois » dont tout le monde raffole !
Par la suite, afin de coller parfaitement au cahier des charges, j’aurais dû ajouter la scène de sexe à la description quasi-gynécologique, un détail inutile mais qui pourrait servir plus tard en cas de préquel, ou encore une longue scène mélancolique sur les feuilles qui tombent… non pas pour un quelconque effet poétique, mais bien pour remplir le nombre de pages hallucinant que se doit de contenir le pavé final !
Ne niez pas, je suis sûr qu’à la lecture de ces quelques exemples, vous vous êtes remémoré telle ou telle scène de Millénium ou de n’importe quel bouquin policier venu du grand froid.
Eh bien, ces exemples – et de nombreux autres encore – Henrik Lange s’est fait un malin plaisir de les compiler dans Comment écrire un polar suédois sans se fatiguer.
S’éloignant quelque peu du modèle de ses livres « à l’usage de personnes pressées » résumant en quelques cases les grands classiques de la littérature ou du cinéma, cet opus tout aussi didactique nous liste évidemment les grosses ficelles que tire tout auteur de polar suédois qui se respecte, mais au-delà du simple catalogue, les organise de manière à créer lui-même une histoire avec meurtre, enquête, et résolution… oui, bon, résolution, puis un nouveau rebondissement de dernière minute, une incroyable re-résolution, fin, suivi bien sûr d’un épilogue, puis d’une ouverture pour un éventuel second tome en cas de succès ou – Graal ultime – d’adaptation par Hollywood !
Alors, que vous soyez fan ou non des Livres à l’usage de personnes pressées, celui-ci est fait pour vous : non seulement vous y retrouverez l’humour moqueur et un poil piquant des premiers tomes, mais en plus, vous pourrez vous la raconter en public en affirmant avoir lui le dernier Henrik Lange, nouveau chantre du polar suédois !
Comment écrire un polar suédois sans se fatiguer, de Henrik Lange (ed. Çà & Là).
ça a l’air vachement drôle ! ça peut faire un chouette cadeau de Noël !