De En mode rétro à Pizza Roadtrip en passant par Monkey Bizness et ses fameux Lascars, ElDiablo a toujours su rendre hommage à ses origines banlieusardes en insufflant sa culture de cité au sein de ses excellentes histoires, truffées de personnages succulents et de dialogues aussi finement ciselés qu’emplis de vocabulaire… comment dire… fleuri !
Un univers dans lequel il évoluait à comme un poisson (requin ?) dans l’eau (trouble ?), et faisait mouche à chaque nouvel album…
…un univers qu’il délaisse pourtant aujourd’hui avec ce succulent diptyque qu’est Un Homme de Goût.
Loin des barres d’immeubles entourant Paname, c’est de l’autre côté de l’Atlantique qu’il nous emmène alors, pour un récit sang pour sang fictionnel !
Un récit toujours pourvu des qualités de ses grands frères, mais s’éloignant carrément des thèmes habituels du môssieur pour coller aux basques d’une enquêteuse acharnée traquant un dangereux psychopathe sur plus d’un siècle !
Ouaip, un siècle ! Pas mal, hein ?
D’autant que si le premier tome se focalisant sur la traque en elle-même fait fleurir en nous mille et une questions sur la véritable origine du tueur, le second tome et ses mille et une réponses n’a pas fini de nous ébahir, chaque révélation entrainant systématiquement une nouvelle tranche de vie (ou de mort) aussi épique qu’épatante…
…et, non, n’insistez pas : je ne vous en dirai pas plus afin de préserver le plaisir que vous prendrez à découvrir au fil des pages de quoi il en retourne vraiment !
Ne nous étalons donc pas davantage sur scénario (aussi brillant soit-il), et penchons-nous sur le dessin, parce que, mine de rien, niveau évolution, y aussi pas mal de choses à dire… et de belles choses, même !
Sans pousser jusqu’au réalisme « largowinchien » sans âme, Cha met quelque peu de côté son style « cartoony » (et au passage rajoute même des nez à ses personnages !) pour un rendu plus sérieux et plus grave collant parfaitement au ton du récit.
Une nouvelle fois, afin d’entretenir le suspens, je ne vous dévoilerai pas la finalité de l’exercice, mais tirerai néanmoins mon chapeau à la talentueuse dessinatrice pour l’impressionnante diversité de techniques qu’elle emploie ; alternant si habilement et naturellement l’encrage bien épais offrant un rendu incroyable à ce qui se trame dans les ombres, le trait fin et appliqué rappelant les gravures d’antan, les couleurs directes à l’aquarelle du plus bel effet lorsque le sang se mélange à la neige, ou ce graphisme bien plus « old school » que l’on pourrait presque retrouver sur d’antiques tapisseries orientales… voire sur les murs d’une caverne !
Notons également un travail sur les couleurs tout bonnement génial, adaptant ses teintes aux différentes époques où se déroulent les scènes, et poussant même le détail jusqu’à jouer sur l’aspect du papier un peu pourrave ou la qualité de l’impression à l’arrache des vieux comics d’antan.
Après un Pizza Roadtrip nous ayant déjà bien plus que convaincu, le duo Cha / ElDiablo revient donc ici en grande forme, confirmant haut-la-main leur talent pour nous servir des perso’ super-classes, des dialogues hyper-efficaces, pile ce qu’il faut d’humour, un visuel de toute beauté, et ce putain de sens de la narration sachant nous tenir en haleine de la première à la dernière case…
…très fort !
Un homme de goût (2 tomes), de Cha & ElDiablo (ed. Ankama).