Nombre d’auteurs de bande dessinée s’amusent à nous raconter leurs voyages à travers leurs albums ; du grand Lewis Trondheim avec ses fameux Carnets de Bord au fabuleux Fabcaro avec son génialement mytho’ Carnet du Pérou…
Nicolas Dumontheuil, lui, avoue aimer les voyages, mais ne pas y comprendre grand-chose. Alors, plutôt que de se fourvoyer, il préfère romancer ses souvenirs en terres inconnues et nous les narrer via un p’tit bonhomme qui, justement, ne comprend rien !
Et ce p’tit bonhomme, aux seins hauts et fermes dus à la pratique intensive du rugby, aux sourcils longs et soyeux dus au charme landais, et au nez, comment dire…? Au nez… Ah, ce nez ! C’est un pic, c’est un roc…
Bref, ce p’tit bonhomme, c’est le baron Jean-Dextre Pandar de Cadillac, fier Gascon revendiquant à tout vat l’humanisme, le panache, et quelques autres grandes valeurs héritées de sa belle région !
Mais à vouloir tant en faire, notre Baron en fait trop ; à vouloir tant éviter les clichés, notre Baron se vautre dedans ; à vouloir tant être irréprochable, notre Baron en ressort ridicule !
Ainsi, dans les premiers tomes nous le voyions sillonner l’Afrique de l’ouest en insistant sur son non-racisme plus que de raison, côtoyer une Galloise en répétant bien trop souvent que la haine de ses ancêtres envers les Anglois est belle et bien enterrée, ou arpenter les rues de New York en arborant un badge à l’effigie de McCain pour prouver son soutien indéfectible à Obama !
Beaucoup d’efforts déployés pour prouver son exemplarité, donc, mais couronnés de bien peu de succès ! Trop d’efforts tueraient-ils l’effort ?
Et malheureusement, notre cher Baron n’est pas au bout de ses mésaventures !
Dans les tomes suivants, malgré sa grande expérience d’explorateur averti, il tombera dans un vil piège à touristes au Guatemala ; au Mozambique, il découvrira que la frontière est mince entre l’amitié virile et l’homosexualité refoulée ; lors d’une régate transatlantique, il éprouvera les difficultés de la vie en communauté ; au cours d’une mission humanitaire au Sénégal, sa bonne (?) conscience le mènera à deux doigts de la folie ; et sur les traces de son illustre aïeul, il finira otage volontaire incompris au cœur d’un conflit opposant canadiens, québécois, et indiens !
Tant de mauvaises surprises et de déconvenues pour notre Baron, pourtant certain de tout maîtriser et d’être l’homme de la situation, quelle qu’elle fût !
Pauvre Jean-Dextre, lui qui s’imaginait tel un digne représentant des Droits de l’Homme et du cassoulet, ne serait-il donc qu’un ignare enrobé d’une fine couche de gras de canard ?
Mais pour peu que comme moi, vous soyez friands du gras de canard, alors c’est avec un appétit d’ogre que vous dégusterez ses truculentes mésaventures !
Surtout lorsqu’un chef tel que Dumontheuil est aux fourneaux !
Quel admirable travail autour de ce Landais Volant.
Admirable travail, tout d’abord, sur le texte. La narration pleine de métaphores savoureuses et poétiques nous conte les tribulations du Gascon comme si elles furent les expéditions d’un grand explorateur en des contrées sauvages ; et marque un décalage absurde et délicat avec ce petit bonhomme toujours si délicieusement à côté de la plaque.
Admirable travail, ensuite, sur le dessin. Tant de finesse et de complexité dans ce trait qui paraît pourtant si simple au premier abord. Son coup de crayon sait se faire tantôt caricatural et épais pour tracer les visages des personnages les plus burlesques, tantôt sensuel et charnel pour croquer au mieux les courbes magnifiques des belles indigènes, et tantôt fin et plein de détails pour illustrer au mieux les paysages et les scènes fourmillant de figurants.
Admirable travail, enfin, sur les couleurs. Une large palette aux nuances délicates apporte douceur et chaleur aux ambiances, et une réelle profondeur aux décors, jouant sur les ombres, la lumière, et transformant la plupart des cases en véritables cartes postales que notre ami Jean-Dextre nous adresserait du bout du monde.
Un vrai régal truffé aux piments d’Espelette et parfumé des 1000 épices glanées aux quatre coins du globe !
Le Landais volant (4 tomes), de Nicolas Dumontheuil (ed. Futuropolis).