* Pour ceux ayant manqué le début : critiques des premiers tomes ici et là.
On a déjà dit ici tout le bien que l’on pense de The Grocery, tant pour son graphisme hallucinant plongeant des puppets tout mignons dans des situations de violence à la limite du soutenable, que pour les personnages écrits au scalpel par môssieur Ducoudray et développés de manière admirable au fil des tomes…
…et bien aujourd’hui, on change de graphisme (en partie, du moins), et on se paye un gros retour en arrière au niveau personnages !
Mais attention, hein, je m’explique : si je parle de retour en arrière, je ne parle en aucun cas de régression, et la qualité, elle, est toujours bien au rendez-vous. Et une putain de qualité, même !
Pour ce tome-ci, numéroté « 0 » et intitulé « Before The Grocery », le scénariste reprend ses jouets et les embarque à bord de sa DeLorean pour nous offrir une succulente préquelle découpée en plusieurs courtes histoires revenant sur le passé des perso’ découverts dans la série mère.
Un exercice au poil pour Ducoudray, qui sait « raconter les gens » comme personne (allez, Davodeau, s’il faut en citer un autre !) – leurs émotions, leurs sentiments, sans jamais sombrer dans le sentimentalisme – et nous faire voyager à travers les époques avec tout autant de brio, multipliant les références et les clins d’œil sans jamais sombrer dans le cliché.
Autant d’histoires qui sont autant d’occasions de naviguer entre différentes ambiances diverses et variées ; les jeunes années du rabbin Finkelstein nous ramenant, par exemple, aux sombres heures des camps de concentration, alors que l’histoire de la grand-mère de Washington se mêle à celle de Rosa Parks pour revenir avec finesse sur l’époque de la ségrégation.
Différentes ambiances que nous retrouverons également au niveau visuel, les épisodes de cet opus ayant été confiés à une poignée de dessinateurs tous plus bons les uns que les autres ; le jeune prodige Guillaume Singelin reprenant ses marques avec toujours autant puissance et d’originalité, mais ne rechignant pas à céder sa place ce « mutafukaz » aussi grandiose que fou de Run, à Boris Mirroir et son style cartoony génialement old school, à Valentin Seiche et ses légers accents nippons, ou encore Mikkel Sommer et son trait fin et tremblant exprimant une sensibilité hors du commun…
Si nous comparions sans vergogne The Grocery à des séries aussi classes et efficaces que The Wire ou Breaking Bad, c’est avec un immense plaisir que nous nous laissons aujourd’hui entrainer par cette magnifique bande d’artistes et leurs spin-off non sans penser à d’autres monuments tels que Stand By Me, La Liste de Schindler, Mississipi Burning, ou autres Malcom X !
Before The Grocery, de Ducoudray, Singelin, Seiche, Sommer, Mirroir, et Run (ed. Ankama – Label 619).