* Helena (Tome 1), de Jim & Lounis Chabane (ed. Grand Angle) :
Simon, le jour de son mariage, abandonne sa future femme enceinte pour son amour de jeunesse, croisée par hasard devant la mairie. Nulle question de réciprocité dans les sentiments, mais un pari fou sur le futur, un pacte à la fois sordide et touchant proposé à son égérie Héléna : 4 heures de son temps le jeudi contre de l’argent. La perte des repères, l’amour impossible, et la frustration rythment ce rendez-vous hebdomadaire.
Sur un scénario ciselé, signé de Jim (Une Nuit à Rome, Petites Eclipses, Où sont passés les grand jours…), Lounis Chabane donne vie de manière particulièrement réussie à ce duo amoureux qui n’en est pas un, provoque l’empathie pour Simon, trouble le lecteur et l’entraine dans cette aventure sentimentale sans aucun pathos.
Seul bémol : devoir attendre le Tome 2… ça tourne au supplice !
* Lounis Chabane, l’interview :
Dans le magnifique cadre de la cité de Saint Malo, lors du dernier festival Quai des bulles, la Rubrique a profité de l’occasion pour faire un point avec Lounis Chabane ; discuter de son parcours, sa collaboration sur Héléna, ses projets…
Vinz’ : Tu lis de la BD depuis toujours ? Quels étaient tes premiers coups de cœur ?
Lounis : J’ai toujours lu des BD. Mon premier coup de cœur, je l’ai eu vers 6/8 ans avec les premiers Franquin, et puis quand tu deviens adolescent, tu vas vers un style plus réaliste… mais je n’ai jamais eu un coup de cœur graphique comme avec Franquin. On me parlait toujours d’humour, mais même si ça me faisait marrer, il y avait un truc poétique, une dimension qui me permettait de relire 20 fois la page et d’y découvrir encore des trucs.
Vinz’ : Quel est ton parcours ?
Lounis : J’ai fait Estienne et les arts déco Paris. J’ai testé différents supports (animations, clips), mais la BD est le seul où l’on a un objet artisanal fait de sa main, très personnel : c’est ce qui m’intéresse le plus dans ce qui existe.
J’ai d’abord sorti ma première BD chez Delcourt (Carmen + Travis), c’était un projet collectif, avant de faire des projets chez Carabas (Ruden), Casterman (Mesrine) et Soleil (Ligue Zéro).
Vinz’ : Comment es-tu arrivé sur le projet d’Héléna ?
Lounis : J’ai dit à l’éditeur qu’Une nuit à Rome m’avait plu et que voudrais bien travailler avec Jim, mais il était débordé à l’époque… mais maintenant, au bout du compte le projet s’est fait, et nous avons envie d’en faire d’autres ensemble.
Vinz’ : Comment se passe la répartition du travail ?
Lounis : Concernant Héléna, je reçois le scénario au jour le jour. Au début de l’aventure, je n’avais pas de vision globale du projet, mais j’avais une totale confiance dans Jim, car pour moi Une nuit à Rome était imparable, et tu veux la suite… alors je pouvais y aller les yeux fermés.
A partir du story board, je fais les personnages, avec des proportions réalistes, sans décors. Jim me donne des instructions concernant les poses, les attitudes, et j’attaque l’encrage directement. Nous échangeons souvent ensemble pour déterminer certains points.
Sur certaines cases, il y a eu des blocages. Par exemple, sur celle dans laquelle Simon était bouleversé par Héléna, trouver la bonne expression, rendre l’atmosphère de cette situation très particulière a pris beaucoup de temps. Héléna était compliquée à dessiner, car à chaque fois elle avait une nouvelle pose, une nouvelle attitude, un nouvel angle… Il fallait faire beaucoup de retouches derrière.
Vinz’ : Dans Héléna, il n’y a que des blondes, un problème avec les brunes ?
Lounis : J’ai fait des brunes… dans la foule ! L’idée de Jim était que Simon soit obnubilé par Héléna, alors sa femme et Eloïse n’en sont que des pales copies. Il fait une réelle fixation sur elle.
Avant je dessinais avec des traits plus épais, avec des aplats de noir, et pour Héléna, je me suis dit qu’il fallait un trait plus fin… donc le côté blond collait parfaitement à cette idée.
Vinz’ : Quel est le retour sur Héléna de la part de la critique et du public ?
Lounis : On a une excellente critique, et je n’ai jamais eu autant de monde aux dédicaces. Les gens sont touchés par l’histoire. Ce côté propre sur elle, peut faire guimauve, mais on joue avec quelque chose de fragile et les gens le ressentent. Les quelques cases du tome 2 annoncées en fin du tome 1 font office de teaser, j’aime bien l’idée que le lecteur puisse s’imaginer ce qu’il se passe entre les albums.
Vinz’ : Et ensuite, quels sont tes projets ?
Lounis : Déjà, terminer le tome 2 d’Héléna à sortir en Avril, puis un autre projet est en route toujours chez Grand Angle et avec Jim. Il l’a déjà entièrement dialogué et l’histoire reste dans la même veine.
Après, travailler sur ce projet m’a ouvert d’autres perspectives, alors je ne vais pas m’enfermer dans des cases.
Je n’ai pas de projets personnels pour le moment, c’est un peu compliqué de prendre autant de temps sur un album qui, sans soutien, est mort né. Ça coûte beaucoup au niveau énergie avec un retour quasi nul.
Vinz’ : Hé bien merci beaucoup pour tes réponses et bonne chance pour tes projets futurs.
