A l’heure où il est de bon ton de rebaptiser une bande dessinée du pompeux terme « Roman Graphique » afin de lui redorer le blason dans les salons parisiens, Frédéric Boilet – auteur de bande dessinée reconnu – s’engage dans une nouvelle voie en nous proposant son premier « roman photographique ».
Non, non, ne fuyez pas ! Nous ne parlons pas là des affreux romans photos que nous trouvions jadis dans les vieux Femme Actuelle de maman, hein, avec ces dames aux coupes improbables si caractéristiques des années 80 folles amoureuses de ces messieurs au sourire ultra-brite dignes d’un premier rôle dans Côte Ouest !?
Le livre de Frédéric Boilet se révèle bien plus classieux dès le premier regard : de belles photos, au cadrage soigné, au grain travaillé, prenant toute leur ampleur en pleines pages, et accompagnées de quelques mots seulement.
Des photos et des mots racontant les 286 jours que dura la relation entre Frédéric Boilet et une jeune espagnole conquise par ses livres, des cadrages osant se focaliser sur un simple détail pour lui donner toute son importance, un grain capable de nous faire ressentir la douceur de la peau de la charmante ibère, des mots reprenant parfois un simple texto échangé par les deux amoureux, une pensée posée à la va-vite sur un bout de papier, la recette d’un plat dégusté sur une terrasse au soleil, une citation extraite d’un film découvert ensemble ou d’une chanson qui les lie…
286 jours où nous partagerons leur quotidien, dans tout ce qu’il a de plus simple et de plus intime.
286 jours (et même un poil plus) s’étalant de leur première rencontre à leur séparation, où nous les verrons se balader dans la nature ou se rendre à l’aéroport en voiture, se prélasser dans une baignoire ou se rafraichir dans la rivière, se préparer un bon petit plat ou se boire un verre à la fenêtre, se lire une bédé au soleil ou se blottir devant la télé par une froide nuit d’hiver, faire l’amour avec passion ou tout simplement dormir l’un à côté de l’autre…
Et même si certains de ces moments peuvent paraître trop impudiques ou terriblement anodins sur le papier, ils sont ici abordés et exposés de telle façon que l’érotisme des premiers ne franchissent jamais la barrière du voyeurisme ou du choquant, et l’aspect extra-ordinaire des seconds devient extraordinaire tant on parvient forcément à s’y reconnaître à un moment ou un autre.
Se dégage alors de cet album – à la fois étonnant, innovant, et des plus personnels – une extrême sincérité et une telle volonté de se livrer sans tabou aucun, que l’on ne peut que se sentir concerné, touché, et parfois même troublé par cette histoire d’amour pleine d’émotion(s) et de passion…
…ces 286 jours au long desquels nous observerons deux êtres se découvrir, s’apprivoiser, s’aimer, et se déchirer sous nos yeux indiscrets.
286 jours, de Frédéric Boilet & Laia Canada (ed. Les Impressions Nouvelles).