Présenté comme une succession de comics au format kiosque que l’on piocherait au hasard d’un farfouillage dans les bacs d’un bouquiniste, notre découverte de Space Kariboo ne suivra pas la chronologie classique du livre de super-héros : genèse, découverte des pouvoirs, doutes, grosse baston finale.
De fait, nous débutons de but en blanc par un combat entre un super-caribou en tenue moulante et une mouette répondant au nom d’Erika – capable de déverser des flots de pétrole ou toute autre matières polluante – sans aucune présentation préalable des perso’.
Un combat très agréable à suivre d’un point de vue visuel grâce à un joli trait aux allures de crayonné, mélangeant agréablement franco-belge et comics US, et rendant parfaitement honneur tant au corps des héros (et surtout des héroïnes) qu’à leur dynamique.
Un combat quelque peu déroutant, par contre, d’un point de vue scénaristique, que ce soit par les vannes et blagounes (exagérément ?) omniprésentes tout au long des dialogues, aussi bien que par le fond, pas loin de nous expliquer tout de go que la pollution, c’est mal.
Un enseignement naïf suivi par une tripotée d’autres du même acabit : le racisme, c’est pas gentil ; la mondialisation, c’est pas bien ; la télévision, c’est que des mensonges…
Comme ça, ça peut paraître mal parti, c’est vrai, et pourtant, au fil des pages, le message s’affine et se complexifie.
Grâce aux premiers numéros desdits comics, nous retrouvons notre caribou sur les bancs de son école de super-héros, entouré de ceux avec qui il formait alors l’équipe nommée Les Ultimes, et comprendrons que ces belles valeurs se révéleront bien difficiles à respecter. D’une part car rien n’est jamais tout-à-fait blanc ou noir, mais par-dessus tout, car les super-héros connaissent également les soucis du commun des mortels tels la jalousie, l’appât du gain, ou un besoin de reconnaissance surdéveloppé, les confrontant finalement à des choix pas toujours évidents dont résultent parfois des décisions à mille lieues des canons de morale enseignés par leurs super-professeurs.
De là, ce bouquin que l’on risquait d’appréhender comme une bédé superhéroïque franchouillarde et peu inspirée au premier abord, se transforme au fil des pages en un malin pied-de-nez à ses cousins américains se pavanant trop volontiers dans le manichéisme, doublé d’une critique gentiment – mais sûrement – cynique de notre société actuelle.
Space Kariboo, de François Duprat (ed. La Boîte à Bulles).