– Les univers de Stefan Wul, la seconde vague par Ankama et Comix Buro –

* Pour ceux ayant manqué le début : chroniques des premiers albums intégrant Les Univers de Stefan Wul, ici et là.

En octobre dernier, les éditions Ankama s’associaient à Comix Buro pour initier une série adaptant en bande dessinée les romans les plus emblématiques de Stefan Wul, référence française du roman de Science-Fiction dans les années 50.

Les premiers opus mettant en images les écrits du maître ayant fait preuve d’une grande qualité, c’est donc une immense joie de se plonger aujourd’hui dans les dernières productions issues des Univers de Stefan Wul, qu’il s’agisse de suites tant attendues comme de nouvelles incursions dans ces mondes hallucinants.

Pour ce qui est des suites, offrons nous une entrée en matière magistrale avec le second tome de Niourk.

Retour dans ce monde post-apocalyptique ravagé par une catastrophe nucléaire, aux côtés de cet enfant noir qui n’a pas fini de nous étonner. Jadis rejeté par sa tribu à cause de la couleur de sa peau, le valeureux enfant a su faire preuve de courage, atteindre le domaine des dieux, devenir leur égal, et protéger les siens face aux monstres géants émergeant des eaux obscures du « grand lac ».
Fort de sa mission divine, il guide maintenant son peuple vers Niourk, cette terre du nord qui regorge de bétail et saura les accueillir dignement. Mais le chemin est long et semé d’embuches, et seul l’enfant se révèlera suffisamment fort pour survivre à ces nombreuses épreuves et atteindre leur but.

Seulement, les plus rudes épreuves ne l’attendent-elles pas finalement eu sein de cette terre promise ?
L’enfant sauvage sera-t-il capable d’affronter les vestiges de notre civilisation… pas si éteinte ?!
En effet, celui qu’il prit pour un dieu lui montrant la voie n’était autre qu’un rescapé de ce qui fut notre futur, patrouillant dans sa navette volante ; et l’idyllique cité tant convoitée vers laquelle il se dirige n’est autre qu’un New York dévasté, où la nature a largement repris ses droits, mais où nombre de robots subsistent encore, bien décidés à exterminer les derniers survivants de l’espèce humaine.

L’occasion pour Vatine de nous livrer de nouvelles pages de toute beauté, que ce soit au niveau du dessin lui-même – vif et épuré pour représenter les corps en mouvement, grandiose lorsqu’il s’étale en pleines pages époustouflantes – comme au niveau du découpage et du cadrage offrant un récit au rythme parfait, tant dans les longues phases d’errance que dans les scènes d’action qui décoiffent !

Dans un tout autre genre, mais pourtant loin de faire pale figure, Piège sur Zarkass  se poursuit également, nous entrainant toujours plus profondément au cœur de cette hostile planète.
Et si les enjeux pas toujours très louables des différents protagonistes se dévoilent petit à petit, que les autochtones fomentent une véritable révolution, et que la sécurité des colons terriens semble fortement menacée, l’aventure évite toujours le ton trop sérieux et grave, abordant chacun de ces sujets sous l’angle de la comédie.

Ainsi, les jeux de mots à la con (sans aucune péjoration, bien au contraire), les références habilement détournées, et les situations cocasses se multiplient au fil des pages, pour nous offrir une aventure drôle et débridée, superbement servie par le style cartoon  et punchy  de Cassegrain, appuyé par une belle palettes de couleurs qui pètent et nous en mettent plein les yeux.

Enfin, last but not least, une nouvelle série débute au cœur de cet univers avec La peur géante, de Lapière & Reynès, auteurs du très remarqué Alter Ego  chez Dupuis.

Petit décalage dans le temps pour cette quatrième adaptation : si nous sommes toujours bien dans un futur plus ou moins proche – avec voitures qui volent et tout le tintouin – nous nous retrouvons ici à la veille d’une catastrophe. Catastrophe annoncée, cependant, car les scientifiques viennent de découvrir qu’en plusieurs parties de notre planète, l’eau a perdu sa capacité à geler à basses température ! Et si la cause reste indéfinie (acte terroriste, dérèglement de la nature, implication extraterrestre…?), les conséquences, elles, sont bel et bien réelles : le niveau des océans monte !

Alors forcément, lorsque la calotte glacière des pôles se retrouve touchée par cet étrange phénomène, c’est un véritable tsunami dévastateur qui s’abat sur les villes côtières.

Pourtant, grâce au dessin élégant et aux couleurs douces et polies de Reynès, ce scénario s’éloigne du film catastrophe aux relents de survival  pour se tourner davantage vers une enquête plus axée sur l’aventure et l’action, au rythme haletant et au visuel léché.

Après le trip post-apocalyptique de Niourk, le thriller futuriste glacial à la Gattaca  d’Oms en série, le body-movie  années 80 de Piège sur Zarkass, voici maintenant le blockbuster sur fond de catastrophe écologique, et par la même occasion, une nouvelle interprétation des écrits de môssieur Wul.
Diverses interprétations, donc, mais un seul et même but : respecter à la fois le message d’origine de l’auteur pointant les dérives de l’Homme et de notre société, et son évident désir de nous divertir en nous embarquant dans des mondes hallucinants… et finalement pas si improbables !

* Niourk, Tome 2, d’Olivier Vatine (ed. Ankama / Comix Buro)
* Piège sur Zarkass, Tome 2, de Yann & Cassegrain (ed. Ankama / Comix Buro).
* La peur géante, de Lapière & Reynès (ed. Ankama / Comix Buro).