Au premier feuilletage, on est charmé par ce dessin élégant et précis, à l’encrage net et épais, non sans rappeler ces grands maîtres de la bédé indé’ US que sont les Daniel Clowes, les Chris Ware, les frères Hernandez…
Alors on se penche plus sérieusement sur l’ouvrage, on découvre qu’il est composé de plusieurs histoires courtes, et que chacune de ces histoires traite d’un trouble mental : agnosie, claustrophobie, synesthésie, aphasie, akinétopsie, prosopagnosie…
Pas ce forcément ce qu’il y a de plus réjouissant, mais après tout, pourquoi pas ? Darryl Cunnighnam a bien réussi à nous convaincre avec ses Fables Psychiatriques !
A la différence qu’ici, les auteurs ne cherchent en aucun cas à nous en apprendre plus sur l’origine de ces troubles, leurs causes, leurs conséquences, ou leur traitement. Pour chaque maladie abordée dans ce livre, elle sera présentée en une succincte définition en début de chapitre, puis sera intégrée au scénario qui suit… de manière bien habile !
Cette maladie ne sera en effet pas le réel sujet de l’intrigue – flirtant plus avec les récits de genre comme le polar ou la SF – mais servira plutôt de trame narrative : si le protagoniste principal est atteint de claustrophobie, il étouffera dans ces cases de BD trop étroites à son gout et fera tout pour s’échapper des pages où sa vie défile sous nos yeux indiscrets ; si le personnage n’est pas capable d’entendre les sons, mais uniquement de les voir flotter dans les airs, il pourra transformer son handicape en avantage, et ainsi mener une enquête en étudiant les onomatopées résiduelles d’une scène de crime, ou lorsqu’une personne atteinte de prosopagnosie ne parvient plus à discerner les visages de ceux qui l’entoure, elle s’imaginera au cœur d’une attaque extra-terrestre où les aliens auraient « anonymisé » les gens !
Ainsi, chaque trouble mental se retrouve au centre du récit, mais lui apporte également – et surtout – sa forme propre, jouant avec les codes de la bande dessinée, triturant le média en tous sens, pour un résultat hautement original et ô combien épatant !
Au final, on referme ce bouquin le sourire aux lèvres, en se demandant si des auteurs capables de maitriser à tel point leur art – faisant preuve d’une telle dextérité technique et parvenant à la mettre au service de l’histoire – ne devrait pas être classés auprès des Ruppert & Mulot, Jason Shiga, Lecroart, ou Marc-Antoine Mathieu, au rang des petits génies de la narration séquentielle !
Diagnostics, de Lucas Varela & Diego Agrimbau (ed. Tanibis).
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