Tranquillou posé aux toilettes, Aurélien Ducoudray passe le temps en feuilletant le premier tabloïde venu. Quelle surprise quand il y apprend qu’une prof’ du collège voisin organise régulièrement des convois humanitaires en partance pour la Bosnie, dans le but d’acheminer médicaments et nourriture, jouets et divers matériels, mais aussi et surtout soutien aux victimes de la guerre qui ravagea le pays dans les années ’90.
Reporter photo pour la presse régionale, son sang ne fait qu’un tour : voyant ici l’occasion de couvrir enfin un sujet plus noble que la venue d’un politique de seconde zone dans son patelin, ou l’insipide accident de voiture sur départementale d’à côté, Aurélien court à la rencontre d’Arlette – l’incroyable bout de femme à l’origine de ce projet humanitaire – et se retrouve sur-le-champ embarqué dans l’aventure.
Aventure dont il couvrira les frais, son patron prétextant un difficile contexte économique pour camoufler le fait qu’il se soucie bien peu de la situation en Bosnie… tout en espérant quand-même en tirer quelques titres ronflants de sensationnalisme du genre « Dans l’enfer des camps de réfugiés » !
Pourtant, ce que nous propose ici Ducoudray se révèle pile à l’encontre de tout ça !
Après avoir énuméré rapidement les clichés que l’on véhicule généralement sur la Bosnie, le photographe nous exposera sa vision du pays, sa situation et celle de son peuple, à travers sa propre expérience et ses nombreuses rencontres. Soit un récit extrêmement personnel et intime, profondément touchant et débordant d’émotions… et ce, sans jamais faire dans le larmoyant ou la leçon de morale !
En effet, s’il dénonce en ces pages les personnes – internes comme externes – qui abusent et tirent profit de la situation, et y expose des conditions de vie – voire de survie – qui nous prennent aux tripes, nous choquent ou nous bouleversent ; Ducoudray y appose systématiquement un regard très humain, insistant sur la force, le courage, et la dignité avec lesquels les bosniaques affrontent les épreuves, ainsi que l’implication, le dévouement, et l’entrain de ceux présents à leur côtés pour les aider…
…l’inusable et inimitable Arlette en tête !
Une série de portraits et autant de tranches de vie que François Ravard illustre parfaitement d’un trait rond et agréable qui enlève encore au côté grave et solennel du propos, apportant cette sensibilité et cette douceur qui nous font immédiatement nous sentir proches et concernés par la vie des gens qu’il nous présente.
D’un sujet dramatique qui aurait pu s’avérer des plus durs, pontifiants, voyeuristes, ou chargés de pathos, Ducoudray tire finalement un récit magnifique, profondément humain, au plus près des gens qu’il rencontra lors de sa formidable aventure.
Un récit plein d’amour mais aussi d’humour, de partages et d’échanges, de grandes discussions et de simples regards, de beaux sourires et de sacrés fous-rires… et de quelques larmes aussi : de rage et de peine, autant que de joie et de bonheur !
Clichés de Bosnie, d’Aurélien Ducoudray & François Ravard (ed. Futuropolis).