– Notre seul ami commun, de Boris Mirroir –

Chers amis passionnés de narration séquentielle, nous vous avions déjà éclairé sur le travail de môssieur Boris Mirroir en tant que cerveau gauche à Ottoprod Inc – véritable vivier de la fine fleur de la bande dessinée d’indépendante – eh bien, aujourd’hui, nous aimerions vous entretenir sur son tout nouveau projet solo… en solitaire, comme qui dirait.

Et si, en solitaire, les navigateurs s’embarquent pour de longues traversées, en solitaire, le bédéaste nous embarque également pour un long voyage : un voyage au cœur de sa psyché.
Dans ce récit aux forts accents autobiographiques, Mirroir met en scène Boris, un personnage présentant de telles difficultés à entretenir un semblant de vie sociale, qu’on serait à deux doigts de le qualifier de sociopathe.

Vivant seul dans une maison loin de tout, Boris passe ses journées seul à jouer, seul, à sa console de jeux. La seule raison capable de le pousser, seul, hors de chez lui, reste la sortie d’un nouveau et tant attendu jeu vidéo… Et encore, pour oser affronter, seul, le monde extérieur, une bonne vieille cuite, seul, se révèlera quasi-obligatoire !

Et même quand un chouette gars viendra vers lui, loquace et avenant, Boris éprouvera toutes les peines du monde à aligner trois mots. Si le chouette gars n’est pas du genre à s’avouer facilement vaincu, il aura bien du mal à le sortir de sa torpeur. Faut dire qu’il en tient une sacrée couche, le Boris, prompt à s’inventer mille excuses pour éviter toute nouvelle rencontre. Surtout si la rencontre en question s’avère être une personne de l’autre sexe : là, on frôle la crise de tétanie !

Forcément, avec un cœur, une tête, et des tripes constamment chamboulées par ces envahissantes craintes et phobies, vous imaginerez aisément à quel point rendre visite à sa vieille mère mourante relèvera du véritable supplice. Se voiler la face et ne pas l’affronter de manière frontale restera finalement le seul moyen qu’aura trouvé ce petit être fragile pour se protéger de la terrible maladie qui la ronge. Comportement un peu lâche, certes, mais tellement plus facile que d’admettre sa mort prochaine en se rendant au chevet de cette pauvre femme à l’aspect cadavérique.

 

Non ! Ne fuyez pas !

Si Mirroir met en scène un Boris handicapé du cœur et antisocial profond pour traiter de sujets aussi peu attrayants que la timidité maladive, la solitude profonde, ou la mort d’un parent, il le fera avec un tel brio que jamais cet album ne nous semblera déprimant ou larmoyant.

Loin d’être plombant, le ton adopté saura toujours jouer avec cette petite pointe d’humour caustique et piquant dédramatisant le propos, et parfois même se parer de cette once de poésie lui offrant une toute autre dimension, sensible, touchante, et au final, bien plus légère qu’on ne pouvait l’espérer…

Une légèreté que l’on retrouve également au niveau du dessin grâce à un style animalier qui éloigne cette histoire de nos propres psychoses bien réelles, et qui nous en met plein les yeux par son visuel cartoony aux allures old school plein de nostalgie et pourtant diablement moderne.

Boris Mirroir livre donc ici un projet très personnel, voire intime, mais avec de telles qualités que c’est un réel plaisir de s’assoir dans un fauteuil de psy’ pour se délecter de ses névroses…

Notre seul ami commun, Tome 1/3, de Boris Mirroir (ed. CFSL Ink.)

PS : Cerise sur le gâteau, les deux autres tomes de cette trilogie sont d’ores et déjà réalisés et paraîtrons dès les mois d’avril et mai prochains… youpi !

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