Il y a quelques temps, Mark Siegel me convia à un fabuleux voyage.
Un voyage aussi bien physique que temporel, celui-ci m’embarquant à bord du Lorelei, bateau à aubes voguant sur l’Hudson du XIXème siècle.
Un voyage au rythme lent du bateau à vapeur lors duquel j’eus tout le temps de faire connaissance avec mes compagnons de bord.
Deux d’entre eux attirèrent immédiatement mon attention.
Le capitaine Elijah Twain, tout d’abord. Un homme droit dans ses bottes, loyal et sérieux, dirigeant le vaisseau de manière exemplaire, capable d’assurer à tous les postes et de gérer tous types de problème, mécaniques comme humains. S’il fut autrefois un poète et un doux rêveur attiré par les contrées lointaines, il devint cet homme consciencieux à l’existence peu captivante dans l’unique but d’amasser suffisamment d’argent pour soigner la femme qu’il aime depuis de longues années, clouée par la maladie dans un fauteuil roulant.
Autre grande figure qu’il me fut donner de croiser, Dieudonné Lafayette. Propriétaire du Lorelei depuis la mort de son frère, il n’a en réalité qu’un rôle honorifique sur le bateau. Etre volage, il semblait peu affecté par la mystérieuse disparition dudit frère, et se désintéressait totalement de la bonne marche de son affaire, préférant de loin courir le jupon, activité à laquelle il s’adonnait à temps complet et où il excellait particulièrement.
Pourtant au fil du temps, ma perception de ces personnes s’affina, se transforma.
Peu à peu, j’entrevis en Lafayette quelque chose comme une certaine crainte, ou même une souffrance, qui semblait être la réelle motivation à ses ébats aussi multiples que fréquents.
Mais le changement le plus important que je pu observer concernait bel et bien le capitaine Twain. Lui, d’habitude si dévoué à son poste et disponible à toute heure, n’était plus que l’ombre de lui-même, constamment enfermé dans sa cabine, entretenant de plus en plus de secrets autour de ses activités diurnes comme nocturnes.
Etait-ce dû au fait qu’il se remit à écrire ?
Et d’ailleurs, à qui adressait-il ses mots alors qu’il ne se donnait même plus la peine de rendre visite à sa pauvre épouse ?
Devrait-on croire ces rumeurs rapportant qu’il cachait une femme dans sa cabine ? Ces rumeurs dont les plus folles affirmaient que la femme en question fut dotée d’une queue de poisson en lieu et place d’une paire de jambes ?
Je ne suis pas homme à croire en ces balivernes de sirènes et autres mythes abracadabrant, et pourtant tant de légendes planent au-dessus des eaux noires et profondes de ce fleuve mystérieux que j’avoue être troublé par ces faits étranges et mystiques.
Vous doutez de mes dires ?
Si je ne puis vous convaincre par mes mots, plongez-vous dans les nombreuses pages que Mark Siegel rapporta de ce long voyage, et si vous ne succombez pas au chant des sirènes, vous serez sans aucun doute envoutés par son récit empreint d’émotions et de sentiments où la raison laisse place à la passion, enchantés par ses superbes dessins à la mine de plomb au charme profond et à la sensualité enivrante…
Sailor Twain, la Sirène dans l’Hudson, de Mark Siegel (ed. Gallimard).
De même, je ne suis pas femme à croire en ces chimères mais ce que tu en dit, très cher, est bien tentant !! 😀
Oh oui, un bien beau bouquin, je suis sûr que tu vas adorer… fonce !