Dans Mémoires de Viet-Kieu, Clément Baloup recueillait les témoignages de Vietnamiens ayant fuit l’enfer des guerres successives s’abatant sur leur pays.
On y voyait les horreurs qu’ils subirent sur place, les conditions déplorables dans lesquelles ils voyagèrent, et les difficultés à s’installer et s’intégrer ensuite sur leur nouvelle terre d’accueil.
Dans Une si jolie petite guerre, Marcelino Truong nous propose de suivre exactement le chemin inverse.
Fils d’un diplomate Vietnamien employé en Amérique, il nous raconte sa vie d’enfant dans une calme banlieue pavillonnaire de Washington, emplie d’insouciance et de douceur, de jeux et de rires.
Nous sommes à la fin des années 50, le Vietnam est scindé en deux : le Sud, pseudo-démocratie nationaliste dirigée par le président Diêm ; le Nord, dictature militaire et communiste proche du modèle chinois de Mao.
Deux blocs soutenus l’un par les Etats Unis, l’autre par la Russie, qui voient en eux des pièces essentielles de leur interminable Guerre Froide.
En 1961, Kennedy lance l’opération Beef-Up, renforçant l’aide militaire et économique au gouvernement du Sud, et apportant une dimension encore plus radicale au conflit.
C’est dans cette situation extrêmement critique que Truong Buu Khanh, père de Marcelino, est rappelé auprès de Diêm, et que toute la famille revient vivre à Saigon.
Aux portes de la ville la guerre gronde, les attentats se multiplient dans les rues, et la présence militaire – oppressante – s’impose à chaque carrefour.
Et si la mère de l’auteur s’avère de plus en plus affectée par cette vie, Marcelino, son frère, et sa sœur semble presque s’en amuser, inconscients du danger, fascinés par l’armement américain et le vrombissement des avions déchirant le ciel.
Alternant souvenirs intimes et faits historiques, Marcelino Truong nous livre un récit aussi émouvant qu’intéressant, mais offrant également une autre perception sur cette guerre dont on nous a déjà tant parlé.
En relatant cette période via les yeux d’un petit garçon, il nous propose un regard empli d’innocence sur ce conflit, où la touchante naïveté due à son jeune âge permettra finalement une des approches les plus sincères et objectives auxquelles on a jamais eu le droit.
Son dessin, se limitant parfois à quelques traits, tout en légèreté, ou s’attardant au contraire sur plus de détails – une ambiance, un bâtiment, des couleurs – offre l’aspect d’un carnet de croquis à ce livre, et lui apporte encore d’avantage ce côté témoignage, mémoires…
Un magnifique voyage qui nous emmène de Washington à Londres, en passant par Saint Malo et bien sûr Saigon, parfois dur et violent, souvent émouvant et poignant, qui nous raconte à la fois l’histoire d’un pays et celle d’une famille…
Une si jolie petite guerre, de Marcelino Truong (ed. Denoël Graphic).