Cet article a été rédigé dans le cadre du mois thématique « La religion dans la BD » du site K.BD, spécialiste des chroniques à mains multiples :
« Notre Père qui es aux Cieux,
Que ton nom soit sanctifié… »
Oh, pas besoin d’avoir squatté les églises tous les dimanches matins pour que ces quelques mots nous disent vaguement quelque chose.
Faut dire que quel que soit le nom qu’on lui donne dans telle ou telle religion, on nous a tous bassiné avec Dieu au moins une fois dans notre existence.
Et la suite, vous vous en souvenez ?
« Que Ton Règne vienne,
Que Ta Volonté soit faite sur la Terre comme au ciel… »
Ah ça, facile à dire, sur la Terre comme au ciel, sauf que tant qu’il squatte le ciel, le vieux barbu, tout va bien, mais le jour où il décide vraiment de s’y pointer, sur la Terre… on fait quoi ?
C’est justement ce à quoi a voulu répondre Marc-Antoine Mathieu avec son album Dieu en personne.
Enfin, « répondre » n’est pas vraiment le mot, car MAM n’a pas cette prétention : après tout il n’a pas l’omniscience de Dieu. Plus que des réponses, l’auteur s’amuse surtout à poser des questions : comment Dieu ferait-il son apparition parmi nous, serions-nous prêts à croire en sa forme « physique », et ou encore qu’attendrions-nous de lui…?
Quant à cette dernière question, revenons au Notre Père :
« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour,
Pardonne-nous nos offenses,
Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés… »
Qu’il nous donne notre pain quotidien, c’est quoi en gros : que plus personne n’ait faim ici-bas ?
Plutôt raté, hein ?
Et s’il n’y avait que ça : la guerre, la misère, la maladie… on en aurait des choses à lui reprocher, à Dieu, si on l’avait en face.
Et alors que dans nos prières on ose lui demander de pardonner nos offenses, en sens inverse, s’il s’agissait des erreurs de Dieu, MAM nous imaginerait plutôt lui tenir un procès en bonne et due forme, avec armada d’avocats, pléthore de témoins, et tout le tralala !
On pourrait continuer avec le fameux « Ne nous soumets pas à la tentation » pour analyser comment les humains feraient de Dieu la Tentation incarnée grâce à une équipe Marketing déclinant son image en d’innombrables produits dérivés, ou rebondir sur le « Car c’est à Toi qu’appartiennent le Règne, la Puissance et la Gloire » en pointant cette oreillette que Dieu porte en permanence afin que ses conseillers en communication puissent lui souffler ce qu’il est autorisé ou non à dire en public.
Un « Notre Père » qui semble finalement bien dérisoire au regard de la farce que nous propose ici un Marc-Antoine Mathieu pour une fois plus porté sur le fond que sur la forme.
Et j’insiste sur le mot « farce », car si ce livre peut au premier abord paraître et bavard et rébarbatif de par ses longues tirades philosophiques, il s’agira au final d’une philosophie volontairement ridicule et absurde, destinée à se moquer de notre société toujours prompte à disserter sans fin et s’étendre plus que de raison sur des sujets qu’elle ne maitrise pourtant pas le moins du monde !
Abandonnant quelques temps ces expériences sur l’image et le dessin triturant son médiade prédilection – la bande dessinée –, Marc-Antoine joue ici avec les mots et les idées pour s’attaquer à un sujet bien plus complexe que Dieu : l’Homme !
Dieu en personne, de Marc-Antoine Mathieu (ed. Delcourt).
J’aime beaucoup le rapprochement que tu as fait entre le Notre Père et l’album. Un regard bien avisé, différent et complémentaire par rapport aux autres chroniques que j’ai pu lire à son sujet.
Content que cet article te plaise, j’avais vraiment envie de faire un truc un peu original et sympa sur cet album, qui non seulement m’avait bcp plu à sa sortie, mais en plus marque ma première participation à K.BD 😉