– END, de Barbara Canepa & Anna Merli –

Commencer par mourir…

Ce livre s’ouvre sur un enterrement, et pas des moindres : les funérailles auxquelles nous assistons sont celles d’une jeune fille de 13 ans, Elisabeth… l’héroïne de ce livre.

Et pourtant, ce qui pourrait (devrait ?) être la fin du récit, en marque bel et bien le début.
En effet, peu de temps après son décès, Elisabeth se verra offrir une nouvelle vie.
Une vie bien étrange, cependant, errant dans un monde qu’elle ne connait pas, à la fois très semblable au nôtre et pourtant si différent…
Un monde où les bâtiments qu’elle fréquentait jadis sont recouverts d’une dense végétation et où ses animaux de compagnie sont des êtres hybrides ; un serpent-chat volontiers persifleur, une chauve-souris-poulet peu téméraire, et une grenouille-araignée aux sages paroles…
Un monde où elle ne peut être vue par ceux qu’elle côtoyait alors et où elle peut encore moins les toucher, un simple contact de ses doigts suffisant maintenant à ôter la vie de quiconque…
Un monde merveilleux et enchanteur, mais dont elle est prisonnière et qu’elle ne comprend pas : est-ce là les limbes ? Est-elle réellement morte ? Est-elle un fantôme ?
Et dans ce cas, pourquoi hanter ces lieux plutôt que de gouter au repos éternel ?
Pour comprendre un peu mieux ce qu’est la mort ?
Pour comprendre à quel point la vie est précieuse ?
…ou alors, pour découvrir les lourds secrets que cache sa sœur jumelle et comprendre enfin les circonstances mystérieuses de sa propre mort ?

Si ces différentes pistes seront effleurées, aucune n’aboutira dans ce tome-ci, le mystère s’épaississant au contraire au fil des pages pour nous laisser finalement avec bien peu d’éléments en mains… mais qu’importe ?
C’est avec un tel plaisir que nous nous laisserons balader dans ce monde somptueux qu’ont su créer Barbara Canepa et Anna Merli.
Chaque case est comme un tableau que l’on ne se lasse d’admirer, prenant notre temps pour en capter l’essence et s’imprégner de cette ambiance envoutante qui s’en dégage.
Le soin du détail hallucinant apporte une dimension vertigineuse à ces imposants bâtiments victoriens et une finesse incroyable aux dentelles des robes somptueuses…
L’incroyable travail de couleurs, entre peintures classiques et méthodes numériques parfaitement dosées, offre un jeu d’ombres, de lumières, et même de textures de toute beauté…
Le trait si précis et léger esquissant les personnages donne naissance à des visages d’une pureté et d’une sensibilité intenses, et permet d’exprimer tant d’émotions en un seul regard…

La mort n’a jamais été aussi belle que sous les pinceaux de ces deux artistes qui nous entrainent ici dans un rêve délicieusement macabre, un cauchemar fabuleusement romantique.
Commencer par mourir…
…et peut-être comprendre ensuite.

END, de Barbara Canepa & Anna Merli (ed. Soleil – Métamorphose).