Etrange objet que cet album !
L’éditeur le présente comme une version restaurée de ce qui fut le premier roman graphique de l’histoire, initialement publié en 1874.
Sur ces vieilles pages jaunies exhumées de l’oubli et enfin rassemblées dans leur intégralité (y compris les pages à caractère érotique censurées à l’époque), on se délectera de l’autobiographie d’Auguste Bretagne, un écrivain officiant comme gratte-papier à la Gazette de Paris, préférant de loin être un petit feuilletoniste sans gloire qu’un grand auteur sans le sou.
Mais s’il vit de ses récits fantastiques sans prétention, Bretagne n’en fréquente pas moins le Cercle Zutiste, une bande de poètes aussi fous que talentueux – prônant leur anticonformisme et dézinguant les artistes trop académiques -, parmi lesquels nous croiserons des artistes tels Rimbaud, Verlaine, ou Charles Cros. Une bande d’hurluberlus qui n’auront de cesse de taquiner ce « pisse-copie » sans ambition de Bretagne…
Et pourtant, suite à d’étranges évènements survenus une nuit dans sa chambre – chambre ayant précédemment appartenu au Comte de Lautréamont et dont chaque atome vibre encore de sa présence – Bretagne décidera de consacrer un livre à son expérience mystique. Un livre original et novateur, car pour celui-ci, il s’associera à un jeune peintre proche du Cercle Zutiste, et tout deux travailleront à une nouvelle forme de narration mélangeant dessins, textes, et phylactères…
Un livre original et novateur qu’il nous est offert d’admirer aujourd’hui grâce aux efforts conjugués de Corcal, Edith, et des éditions Futuropolis.
Seulement, pour peu que l’on y réfléchisse un brin, on se dira que ce dessin est peut-être trop emprunt de modernité pour être d’époque, ce découpage trop efficace pour résulter d’un coup d’essai… Alors on cherche sur le net, et l’on découvre sans trop de surprise que cet Auguste Bretagne n’a jamais existé. Ni son compère dessinateur, d’ailleurs.
Un gros bobard, donc, mais tellement bien monté, bien mené, et bien exécuté, qu’on ne peut qu’apprécier… et même se laisser charmer, tant il est agréable de se promener dans les rues de ce Paris du XIXème siècle, en compagnie de ces incroyables artistes surréalistes à la poésie à la fois absurde et si exaltante.
La chambre de Lautréamont, de Corcal & Edith (ed. Futuropolis).
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