Rectitude !
Tel est le mot d’ordre des crabes carrés qui peuplent l’estuaire de la Gironde, ces pauvres petits crustacés incapables de tourner et se déplaçant inlassablement selon la même et unique trajectoire rectiligne. Une triste condition les plaçant automatiquement tout en bas de l’échelle sociale sous-marine ; au mieux comme petites bêtes inutiles, au pire comme martyrs de ces diaboliques humains ou esclaves de ces rustauds de tourteaux.
Sauf que voilà, à la fin du premier tome de La Marche du Crabe (click), nous fument témoins – ainsi qu’une grande partie de la faune locale – d’un évènement inédit : pour sauver sa vie, l’un de ces cancer simplicimus vulgaris quitta sa ligne directrice en marquant une belle courbe bien ronde.
Surprise et stupéfaction ! Un évènement inédit capable de transformer l’existence de cette malheureuse sous-espèce… et pourquoi pas de changer la face du monde aquatique ?!
Mais ces pauvres petites bêtes ne sont pas forcément prêtes pour un tel changement, craignant les représailles de ceux qui furent leurs maîtres, ou bien tout simplement apeurées par la possibilité de prendre une décision. Naissent alors deux clans : les évolutionnistes contre les conservateurs ; ceux prônant la racine commune des mots « révolution » et « tourner » contre ceux qui préfèrent filer droit.
Une fable pleine d’humour et de dérision on l’on se moquera allègrement des gentils crustacés pour mieux critiquer les dangers de la pensée unique et du conformisme… en évitant d’affirmer haut et fort que parfois les moules, c’est p’têtre bien nous les Hommes !
D’ailleurs, même si les humains présents dans les quelques scènes « terrestres » seront gentiment tournés en ridicules, leur critique se révèlera moins virulente, selon un angle d’attaque adouci par une certaine nostalgie d’une époque révolue. Une époque plus innocente et naïve qu’Arthur De Pins illustre parfaitement grâce à une palette de couleurs pastelles légèrement passées et un visuel seventies un peu désuet… comme si l’action se déroulait sous la caméra d’un Jacques Tati, se teintant alors d’une agréable note absurde et burlesque.
Un second volet confirmant toute les qualités de cette série et promettant une réjouissante trilogie, drôle et intelligente, puisant ses influences aussi bien dans le Monde de Némo que les Vacances de Mr Hulot… ou un documentaire sur Che Guevara !
La Marche du Crabe, Tome 2, d’Arthur De Pins (Soleil – Noctambule).
suite à une discussion privée mais non moins instructive , je viens de ceder à l’appat dressé par la FNAC, et en ressort avec les 2 tomes