– Les Gratte-Ciel du Midwest, de Joshua Cotter –

Un garçon, un peu gros, timide et réservé.
Des gosses qui jouent dans un parc, une équipe de foot qui se forme, et forcément, le garçon un peu gros, timide et réservé, qui n’est pas sélectionné… mis à part par les autres gamins.
Exclu, rejeté, le garçon un peu gros imaginerait volontiers qu’un robot géant vienne écraser ces sales gosses. Non seulement il tiendrait là sa vengeance, mais de plus, ce serait l’occasion de revêtir son armure bionique et de combattre le robot géant, devenant ainsi un héros aux yeux des filles de sa classe.
Seulement, la réalité est tout autre : il n’a ni armure bionique, ni force surhumaine… ni l’admiration des filles de sa classe… ni de ses potes… d’ailleurs, il n’a pas de potes : il est seul, un peu gros, timide et réservé, exclu et rejeté.

Et si les personnages de ce livre sont représentés sous forme de chats plutôt mignons, ce n’est que pour mieux jouer la carte du contraste avec les situations dures, tristes, et parfois même cruelles, qu’il nous propose en illustrant le calvaire de ce jeune adolescent mal dans sa peau, confronté tour à tour à l’échec, l’humiliation, la mort, la solitude… Un contraste marqué également sur le plan visuel par le biais de ces grands yeux vides, inquiétants et dérangeants, plantés sur le visage rond et doux des protagonistes.

Pour accentuer l’âpreté de son quotidien, l’auteur dépeindra le monde dans lequel évolue ce pauvre garçon via l’intégration d’histoires courtes sur des personnages annexes paumés, désespérés, ou violents, de publicités flirtant avec la propagande capitaliste ou l’endoctrinement religieux, d’extraits de journaux locaux prônant la xénophobie et l’hyper-patriotisme… et encore bien d’autres éléments dressant un portrait au vitriol de l’Amérique rurale des années 80.

Pour son coup d’essai, Joshua Cotter nous offre ici un roman graphique intense, intelligent, et puissant, à mi-chemin entre autobiographie poignante et critique sociale acérée.

Les gratte-ciel du Midwest, de Joshua Cotter (ed. Ca & Là).