– Interview d’Olivier Cinna (Fête des Morts) –

Le festival Quai des Bulles fut une jolie occasion de se retrouver entre passionnés de bande dessinée, d’assister à de belles expositions autour du neuvième art, mais aussi de rencontrer des auteurs dans d’agréables conditions, et discuter tranquillement avec eux sur fond de mer et de ciel bleu…

L’auteur du jour sera Olivier Cinna, dessinateur de Fête des Morts, un polar brutal sur fond de prostitution infantile au Cambodge, au trait virtuose et au noir et blanc implacable (critique, ici).

PaKa : Pour commencer, j’aimerais que nous parlions un peu BD… Tu en lis depuis toujours ?

Olivier Cinna : J’ai commencé à lire de la BD avec les magazines Strange, et donc, avec tout ce qui est Spiderman, Daredevil, Iron Man… D’ailleurs, Iron Man était mon héros préféré à l’époque, à cause de l’armure : c’était un mec normal à l’intérieur, alors on se disait : « avec une armure, c’est possible. »
J’adorais Daredevil, aussi, et des années après je me suis rendu compte que c’était Mazzuchelli et Miller qui faisaient ça. Donc, j’me dis que déjà gamin j’avais un p’tit feeling, là.

Pk : Miller t’a inspiré dans ta façon de dessiner ?

OC : En fait, Miller m’a plus influencé dans la narration. Après, il y sûrement des petites similitudes aussi au niveau du dessin – notamment dans quelques séquences de Fête des Morts  -, mais Miller, c’est surtout sa narration qui m’a tout de suite plus plu.
A un moment donné, j’ai pas mal regardé Otomo aussi, sur Rêves d’enfants.
Mais pour cet album-là, j’avais déjà muri tout ça, je l’avais déjà en moi.

Pk : Au final, on a quelque chose de très différent de ce que tu faisais précédemment sur Mister Deeds.

OC : Oui, avec Fête des Morts, je pense que j’ai vraiment trouvé ma voix. Après, c’est aussi possible que j’adapte mon style de temps en temps – genre pour le travail en couleur -, mais là, je cherchais un style plus simple, plus direct. Surtout que chez Futuropolis, on fait des gros bouquins, donc il me fallait un style efficace mais qui me permette quand-même d’avancer assez rapidement.

Pk : C’est vrai que tu sais aller droit à l’essentiel : en peu de traits, tu peux nous faire un paysage criant de vérité.

OC : Ça vient de mon amour pour la peinture chinoise. A un moment donné, j’achetais pas mal de bouquins comme ça, avec beaucoup de travaux au pinceau, et ça m’a vraiment inspiré.

 

Pk : Au-delà de la technique, pour réaliser des paysages si fidèles, tu as dû voyager au Cambodge, non ?

OC : Non, je n’y suis jamais allé : c’est Stéphane [le scénariste, NDLR] qui a ramené tout ça. C’est un amoureux du Cambodge, il va souvent là-bas, il prend plein de photos des paysages, des gens… Au début, quand il cherchait un dessinateur, j’ai récupéré toutes ses photos et pendant un mois j’ai dessiné : j’ai fait des croquis rapides pour m’imaginer, m’immerger… Je voulais que quand on voit mes dessins, on me dise : « ah putain, t’es allé au Cambodge, toi ! »
Alors j’ai fait un dossier avec ces croquis, j’ai commencé à dessiner quelques planches, j’ai essayé de trouver des photos de vacances de gens, sur le net ou autre… et c’est comme ça que je suis rentré dedans !

 

Pk : Comment as-tu rencontré Stéphane ?

OC : C’est un copain à moi qui bossais déjà avec lui qui me l’a présenté. Après, Stéphane m’a envoyé le scénario, et j’ai accroché direct à l’histoire. En plus, je trouvais aussi utile de parler de ce sujet-là, c’est pas fréquent. Et puis bon, le paysage me permettait vraiment de travailler sur ce que j’avais envie de faire graphiquement.

Pk : Comment s’est passée votre collaboration dessinateur / scénariste ?

OC : Ce qui m’intéresse dans le travail avec Stéphane, c’est qu’il me donne un scénario et qu’après, moi, je suis super-libre pour la mise en scène. Je peux faire ce que je veux, il n’y ajoute aucune indication du genre « page machin, il se passe ça, et page truc, il se passe ça ». D’ailleurs, en me filant le scénario, il pensait que l’album allait faire dans les 46 pages, et moi, j’en ai fait le double ! C’est ça qu’est chouette : il me fait totalement confiance, et ça se passe super-bien.

Pk : Après une si belle collaboration, on peut donc espérer une suite ?

OC : Non, y aura pas de suite. Pourtant, j’aurais bien aimé. J’ai demandé à Stéphane, des lecteurs lui ont demandé aussi… mais non !
Par contre, je bosse avec lui sur une autre histoire : ça se passera à Paris, toujours dans le même style, mais adapté à la ville. Ce sera un diptyque avec quatre personnages, un polar qui va s’appeler Ordures  et qui jouera sur les deux sens du mot ordure : on suivra l’histoire d’une bande de jeunes qui bossent dans une déchetterie, d’où le mot « ordures », et en même temps, qui se comportent aussi un peu comme des ordures…
L’un des héros, c’est un peu Serge en jeune : j’aime bien les personnages un peu massifs… Mais ce sera quand même différent de Fête des Morts, là, ça sera plus un polar social, plus contemporain, avec un petit braquage à un moment donné…

Pk : Pourtant, sur FaceBook, j’avais cru voir des dessins pour un projet qui prendrait place dans un autre pays…

OC : Ah, oui ! Ca, c’est un peu tôt pour en parler. Disons qu’en ce moment, j’ai pas mal de contact avec un scénariste très connu, mais là, on est plus sur un échange d’idées, on ne sait pas encore si ça se fera ou pas…
Et puis, il y a aussi des choses que je fais juste pour le plaisir et que je diffuse comme ça sur le net, en me disant : « bon bah voilà, si ça branche quelqu’un… » Là, par exemple, il y a Tome – le scénariste de Soda  ou Spirou  – qui m’a demandé ce que je faisais. Il a bien aimé ce que je postais, et donc… pourquoi pas ?! Je trouve que c’est un des meilleurs scénaristes réalistes actuels.

 

Pk : Et toute ta série de dessins de super-héros, projet ou plaisir ?

OC : C’est quelque chose que j’aimerais bien faire ! J’adorerais travailler sur une histoire de Batman, ça irait bien avec mon dessin, mais le problème, c’est plus de contacter les gens : c’est super-difficile pour les joindre. Donc, je cours pas après, je fais ça pour mon plaisir, mais si à un moment donné j’ai l’occasion, au moins j’aurais des choses à montrer !
Et en même temps, ce sont des gens super-directifs, et moi j’aime ma liberté, donc j’ai pas tellement envie de faire une carrière américaine non plus. On va dire que Batman, c’est un rêve de gosse !

Pk : Eh bien, Olivier, si je croise quelqu’un de chez DC, je lui parlerais de toi !
Pour l’heure, je te remercie pour cette agréable conversation et te dis à très bientôt sur FaceBook !

Fête des Morts, de Olivier Cinna & Stéphane Piatzszek (ed. Futuropolis)

6 Comments

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  2. L’éditeur attend que les 2 tomes soient dessinés pour les sortir de manière assez rapprochée, il faudra donc attendre fin 2012 pour se plonher dans « Ordures »… ça va être long !!

  3. J’avais aussi espéré qu’il y ait une suite ou du moins, un nouveau récit qui développe le personnage dans un autre contexte. Ce n’est pas la première fois que je lis que les auteurs ne l’envisagent pas… dommage 🙂

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