– Le masque du Fantôme, de Fabien Grolleau –

Il y a quelques mois sortait le premier tome du Masque du Fantôme (click), un très bon album n’ayant malheureusement pas rencontré le succès qu’il méritait, faute d’une com’ à la hauteur de ses qualités. Présenté comme une sympathique petite parodie de livres de super-héros, trop nombreux sont ceux passés à côté de ce qui se qui se révéla être un véritable hommage à tout un genre – la bédé d’aventure –, voire à tout un art : la bédé tout court.
En donnant vie à ce vieux milliardaire un brin foldingue et fan de comics s’inventant une identité de justicier nocturne, et cet auteur de BD qu’on lui colle sur le dos avec pour étrange mission de réaliser l’album qui le ramènera à la réalité, Fabien Grolleau poussait en réalité un grand cri d’amour à tout un univers qui lui est cher… et qui nous est cher à nous aussi, lecteurs de petits miquets, baignant dans ce monde merveilleux depuis notre plus tendre enfance !
Un monde merveilleux restitué ici avec talent, grâce à un dessin simple mais super-expressif, additionné à un sens de la mise en scène et du découpage original et inventif. Le tout rehaussé par un traitement au lavis offrant non pas un noir et blanc, mais un noir au blanc tout en nuances ; une incroyable palette de gris permettant des jeux de lumières – et particulièrement d’ombres – de toute beauté.

Après une si belle surprise, c’est donc en toute logique que je me ruai sur le second (et dernier) tome de cette série dès sa sortie… pour me prendre, bam, une seconde claque dans ma p’tite gueule ! Le deuxième effet Kiss Cool, comme qui dirait.
Car si les qualités techniques du premier opus sont toujours au rendez-vous, Fabien Grolleau dépasse ici le stade de l’hommage et exploite lesdites qualités pour créer son propre univers, dense et complexe, oscillant constamment entre la réalité – Hauteville, mégapole corrompue et viciée à la botte de son infâme maire – et le monde fantasmé de son héros – les Everglades, territoire putride et dangereux abritant les crimes de l’infâme Sorcier.
Un univers dense et complexe, à l’image de ses héros et de ses vilains, puisant dans leurs traumas et leurs faiblesses, leurs vices ou leurs valeurs, leur vénalité ou leur dévouement, pour se forger une réelle et forte personnalité ; bassement pourrie ou hautement héroïque.
Un univers dense est complexe, donc, à l’image de l’histoire qui s’y déroule, trépidante et captivante, qui nous embarque sans crier gare, grâce une montée en puissance épique et épatante, vers un final – n’ayons pas peur des mots – grandiose !

Deux tomes parus en 6 mois seulement, la naissance d’un héros, la mise en place d’une mythologie, une aventure complète aux qualités indéniables, tant sur le plan scénaristique que visuel…
…après ça, qui osera encore dire qu’en France on ne sait pas faire de la bédé de super-héros ?!

Le masque du Fantôme, de Fabien Grolleau (ed. Delcourt – série complète en 2 tomes).