Ce mois-ci, les très prolifiques éditions Ankama lancent une nouvelle collection : Hostile Holster, dirigée par Ann Bonny, explorera la partie obscure d’Ankama en proposant des albums dédiés à « la culture du crime ».
Et dès premier bouquin publié, le cahier des charges est plus que respecté !
En suivant les magouilles et bizness d’un acteur ringard, star de films d’action sur-testostéronés et petite frappe acoquinée à la mafia russe, Blue Estate nous propose une plongée dans l’univers vérolé de Los Angeles. Qu’il s’étale en couverture de journaux people racoleurs, qu’il s’exerce planqué dans l’arrière-cour d’un club de strip-tease véreux, ou qu’il se répande insidieusement telle une épidémie dans ses rues cradingues, le vice règne en maître sur la Cité des Anges.
Dans un tel décor, c’est donc sans surprise, mais avec une jouissance un brin malsaine, que l’on assistera à un mix de violences autant physiques que verbales, de sexe tarifé et de poulettes exhibées, d’alliances infernales et de trahisons infâmes, de blanchiment d’argent et de blanchiment de narines…!
Le tout servi dans un packaging à la démesure du propos, fort de découpages et de cadrages rentrent-dedans, d’un trait anguleux nerveux et agressif, de couleurs flashouilles ou cradingues selon l’ambiance paillettes ou bas-fonds, et d’un maquettage aguicheur aux aspects oscillant entre tabloïdes et vieux pulps.
Face à ce polar décomplexé assumant à 200% son côté Hard-Boiled immoral et incorrect, on est en droit de penser : « OK, c’est donc ça, Hostile Holster : une apologie du crime assénée comme un gros coup de poing dans nos p’tites gueules ! »
Que nenni… enfin, si, mais pas que !
Car si Blue Estate s’amuse à mettre en scène de gros méchants bien vils, il sera bientôt rejoint par Mafia Tabloïds, second opus de cette nouvelle collection, aux antipodes de son sale gosse de grand frère.
Le seul point commun entre ces deux albums, serait le rôle central du crime… et le plaisir éprouvé à la lecture, bien qu’il soit très différent d’un titre à l’autre.
Ici, en personnage central, on aura un gentil, un vrai… pour ne pas dire un héros.
Mafia Tabloïds retrace l’histoire vraie de Peppino Impastato, un courageux journaliste italien qui, durant les années 70, se dressa contre la mafia sicilienne. Allant à l’encontre de son propre père, proche du chef de Famille régnant sur sa région, et s’exposant à de dangereuses représailles, il se rangea aux côtés des paysans oppressés par la Cosa Nostra, avec pour seules armes, les lettres et l’esprit, la culture et l’humour.
Un récit prenant et captivant, à la fois plein d’espoir et tragique, magnifiquement illustré dans un style rappelant celui de Pedrosa – sobre, sensible et plein de d’émotion -, appuyé par de douces teintes au lavis offrant de belles nuances de gris et de fabuleux effets d’ombre et de lumière tout en nuances…
Cerise sur le gâteau, l’album sera complété par un dossier documentaire revenant sur la genèse de ce projet, sur la triste fin de Peppino Impastato, sur le long procès qui s’ensuivit contre la mafia, et proposera en sus, des interviews du frère et de l’un des plus proches amis d’Impastato.
Deux albums s’organisant autour du thème commun du crime mais au traitement diamétralement opposé, deux albums parfaitement maîtrisés chacun dans leur genre respectif, deux albums de belle facture inaugurant une collection à la fois éclectique et cohérente…
…et méchamment prometteuse !
* Blue Estate, de Viktor Kalvachev.
* Mafia Tabloïds, de Marco Rizzo & Lelio Bonacorso.
Collection Hostile Holster, dirigée par Ann Bonny, aux éditions Ankama.